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force dont elles étaient susceptibles… Mais chacun sait le proverbe : On devient orateur, on naît poète ; et, bien que ce ne soit là qu’une demi vérité, bien qu’il suffise d’un examen peu approfondi pour s’apercevoir que les grands poètes se sont fort peu fiés eux-mêmes aux dons de la nature, et n’ont pas travaillé avec moins d’ardeur que les plus studieux orateurs à cultiver leurs facultés instinctives, cependant il serait vain de nier que là où l’aptitude fait défaut, nulle étude ne peut y suppléer. Si, comme certains critiques l’ont prétendu, c’est bien l’aptitude qui me manque, je dois me contenter de la triste réflexion que j’ai fait de mon mieux pour contre-balancer l’influence d’une organisation ingrate. Je me suis préparé à ma tentative avec un soin qui, en témoignant de mon propre respect pour le public, me donne droit en retour au respect d’une audition impartiale et d’un examen sincère. Si mon œuvre est sans mérite, elle est au moins l’œuvre la plus méritante qu’il soit en mon pouvoir de réaliser, et c’est sur ce fondement, si creux qu’il soit, que repose, je le sais, le monument le moins périssable de ces pensées et de ces travaux qui ont été la vie de ma vie. »

Je n’appuierai pas sur ce qu’on pourrait découvrir d’un peu maladif dans cette appréhension de l’opinion publique. Toujours est-il qu’il y a là tous les indices d’un homme qui a réellement fait de son mieux, et une telle bonne foi chez un écrivain éminent demande en effet que la critique fasse aussi de son mieux envers lui, qu’elle cherche de toutes ses forces à le bien comprendre, et même qu’elle sorte quelque peu de ses voies légitimes pour lui donner la seule marque de respect qu’un homme puisse attendre d’un autre, l’expression sincère de toute sa pensée. Je m’explique : M. Bulwer ne se présente pas seulement comme un poète, sa préface est une véritable théorie du poème épique, et ce que je veux dire, c’est que devant un pareil défi la critique ne peut plus guère se borner à définir et à constater. À une déclaration de principes, elle est presque forcée de répondre en examinant avec l’auteur jusqu’à quel point la poésie, telle qu’il l’a conçue, est en effet celle qu’attendent les esprits, et qui aurait droit de s’appeler la poésie du siècle. Aussi bien, il y a toujours profit à analyser de près l’art et ses procédés, si ce n’est à cause de ses résultats, poèmes ou tableaux, au moins parce qu’en l’étudiant, on apprend toujours quelque chose de nouveau sur l’homme. La recherche du beau est un phénomène aussi permanent que la recherche du vrai, et chaque découverte que l’on fait en cherchant à s’expliquer ce qui plaît profite à toutes nos idées sur les facultés humaines.

M. Bulwer nous l’a dit : pour mettre la dernière main à l’œuvre sur laquelle se concentraient ses espérances, il a attendu que son talent eût atteint sa maturité. Déjà dans les Derniers jours de Pompéi et dans Rienzi, l’auteur de Pelham était compléteraient transformé. Non-seule-