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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/1046

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nationales[1]. Le public porte de son côté, sous les galeries où sont étalés les produits de nos fabriques, une curiosité et un intérêt qui l’associent étroitement aux destinées de l’institution. Cet accord persévérant, ces manifestations spontanées, cet élan des volontés, ne témoignent-ils pas assez haut que le pouvoir ne s’était pas trompé sur les dispositions véritables des esprits ? Si ses vues n’avaient eu pour origine qu’un calcul intéressé, si un rapport intime ne les avait pas rattachées aux nécessités de l’époque, la France ne se serait point prêtée aussi complaisamment à une expérience arbitraire. Elle a répondu à l’appel qui la pressait, parce qu’elle sentait elle-même le besoin d’élargir la sphère de sa puissance économique.

L’excitation donnée à l’industrie impliquait de la part du gouvernement l’obligation de favoriser de tout son pouvoir l’écoulement de nos produits au dehors ; elle nécessitait aussi les efforts actifs du commerce français pour exploiter les débouchés existans. Ces deux conditions, qui ont si puissamment contribué à la grandeur commerciale de l’Angleterre, se sont-elles également rencontrées dans notre pays ? Le gouvernement de juillet, on ne saurait le nier sans injustice, avait eu le sentiment de son devoir envers l’industrie nationale. Une série d’actes très nombreux révèlent en lui la préoccupation d’assurer à nos fabriques des moyens d’écoulement. C’était là le but des missions en Perse et en Chine, des explorations entreprises sur les côtes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, des tentatives un moment projetées sur un des îlots de l’archipel Soulou, des études approfondies exécutées sur la côte occidentale de Madagascar, de l’occupation des îles Marquises et de l’archipel de la Société. Pourquoi ces essais multipliés n’ont-ils pas produit les résultats qu’on paraissait en attendre ? Le gouvernement fut gêné, il faut bien le dire, par des considérations inhérentes au système général de sa politique extérieure. En face d’un pays aussi ombrageux que la Grande-Bretagne, quand il s’agit de son commerce, il restreignit plus d’une fois le cercle de son action, ou renonça à des projets déjà conçus, dans la crainte d’ébranler une alliance qui formait le pivot de ses relations étrangères. Tout en signalant ces mécomptes, l’histoire reconnaîtra en dernière analyse que le gouvernement de juillet a été pour l’industrie un instituteur éclairé et un patron vigilant ; mais, tandis qu’il travaillait avec une attentive sollicitude à l’éducation industrielle de la France, il n’accordait pas la même importance à son éducation commerciale.

C’était malheureusement dans cette infériorité de la France, sous le point de vue de l’éducation commerciale, que résidait pour notre industrie même une grande cause de faiblesse. Tandis que la production industrielle était en voie de progrès, le commerce français ne la secondait qu’imparfaitement : il ne mettait pas au service de nos fabriques cette ardeur persévérante, tout à la fois réfléchie et audacieuse, qui a si bien réussi aux négocians anglais et américains. Le gouvernement de 1830 n’avait-il aucun moyen d’arracher notre commerce à cette torpeur, de le stimuler, de le diriger, de lui donner sinon l’audace, au moins les lumières qui lui manquaient ? Sans attribuer au rôle de l’état, en pareille matière, une influence exagérée ; nous croyons que l’ignorance et la timidité,

  1. Le nombre des exposans à l’exposition de 1834 était de 2,447 ; en 1839, de 3,281 ; en 1844, de 3,919.