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d’expansion du dedans au dehors. Chez nous, tout semble avoir été calculé, au contraire, en vue d’une concentration perpétuelle. Avons-nous essayé, par hasard, d’échapper à cette tendance, les tentatives ont été promptement abandonnées. On avait fait beaucoup de bruit, par exemple, au sujet d’un certain nombre de lignes de paquebots qui devaient rattacher aux deux Amériques nos grands ports de commerce ; un des services tant promis était parvenu à s’établir : nous n’avons pas à juger ici la constitution particulière de la compagnie qui l’exploitait ; mais, au point de vue de nos relations commerciales, il est très fâcheux d’avoir échoué dans la réalisation d’une pensée que l’avenir promettait de féconder. Divers projets avaient été mis en avant pour relier aux lignes des paquebots anglais de l’Inde Orientale l’île de la Réunion et nos possessions du canal Mozambique ; on aurait pu porter ainsi dans les parages de Madagascar, où les traités consacrent nos droits, un principe d’activité commerciale et un élément de civilisation : tous les plans se sont évanouis par défaut de résolution dans le gouvernement, de hardiesse dans le commerce. Nous ne pouvons pas sans doute aspirer, sous le rapport des moyens d’expansion à l’extérieur, à une assimilation complète avec la Grande-Bretagne, dont nous séparent de nombreuses différences ; il est indispensable cependant de nous inspirer de sa pensée autant que le permet notre situation particulière. Nos voisins nous présentent encore d’autres exemples utiles à consulter. Le commerce britannique tire, comme on sait, une force incalculable de son intime union avec l’industrie manufacturière. Si le gouvernement français n’est pas libre d’introduire tout d’un coup parmi nos fabricans l’habitude de s’intéresser dans les exportations, il dispose néanmoins d’une influence assez grande pour ménager peu à peu un résultat aussi désirable. Dans ses relations quotidiennes avec l’industrie, par l’intermédiaire d’institutions spéciales, il peut mettre en saillie les avantages d’un rapprochement et d’une alliance entre les manufacturiers et les armateurs. Le jour où les forces isolées se seront réunies en un même faisceau, le jour où nos fabricans prendront un intérêt direct dans les expéditions lointaines, le commerce extérieur de la France aura une base solide sur laquelle il pourra s’organiser et s’étendre.

Le gouvernement doit, en outre, au commerce, tous les renseignemens susceptibles d’éclairer sa marche. Par les agens qu’il entretient au dehors, par les missions confiées à notre marine, il reçoit chaque jour de nombreuses informations qui lui donnent le moyen de constater les besoins, les goûts des différens peuples, l’importance des divers marchés, et de mettre incessamment sous les yeux de nos négocians l’état réel et mobile du monde commercial. Depuis plusieurs années, divers documens de ce genre ont été mis en lumière ; mais, malgré tout le soin avec lequel l’œuvre a été commencée, il n’était pas possible d’atteindre immédiatement au but. Il faut un temps plus long et des efforts patiens pour que le commerce français sorte enfin de l’ignorance où il a été long-temps laissé.

L’actif concours de la diplomatie peut aussi faciliter son développement et aider puissamment à ses progrès. C’est dire qu’en restant fidèle aux autres devoirs qui lui sont imposés, la politique extérieure de la France doit s’inspirer sans cesse des besoins du commerce et s’efforcer, par des traités spéciaux, d’élargir ses débouchés. Trop de dispositions exclusives, tristes débris d’un autre temps,