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Les parlementaires emportaient des vivres pour trois jours, et, comme on avait à redouter les attaques de nombreuses tribus d’Indiens hostiles, ils devaient se cacher durant le jour et ne marcher que la nuit. Dans l’après-midi, M. Howland et ses malheureux compagnons se mirent en route ; on ne devait pas les revoir.

Le lendemain de cette séparation, la colonne reprit sa marche, toujours sous la direction de Carlos. Le 13 du mois d’août fut pour elle un de ces jours néfastes dont le souvenir reste long-temps gravé dans la mémoire. La nuit précédente, on avait campé dans un endroit où l’eau avait manqué aux bêtes de somme et aux bœufs destinés à servir de, nourriture. Le peu d’eau que les hommes avaient pu se procurer, d’une qualité détestable, n’avait servi qu’à irriter la soif. On était arrivé à un endroit des prairies d’où l’on apercevait au loin les sommités bleuâtres de hautes montagnes. Carlos avait été le premier à les découvrir, et les avait désignés sous le nom de les Cuervos (les Corbeaux). D’après son dire, la Rivière-Rouge s’ouvrait un passage à travers ces trois montagnes. Cette assertion trouva un seul contradicteur : c’était le vieux capitaine des éclaireurs, Caldwell, qui prétendait que le cours d’eau qu’on avait suivi depuis le village des Indiens était le Wichita et non la Rivière-Rouge. Chacun tressaillit à cette affirmation du vieux batteur d’estrade ; mais telle était la confiance qu’on plaçait dans les assertions de Carlos, que le capitaine finit par être seul de son avis.

On marchait toujours. De petits détachemens avaient été envoyés de tous côtés à la recherche d’une source ou d’un ruisseau, car les chevaux, les mules et les bœufs n’avançaient plus qu’avec peine, dévorés par la soif. Enfin, dans l’après-midi, la colonne atteignit, après d’incroyables fatigues, une vallée couverte de cèdres desséchés et qui longeait un précipice immense. On s’était arrêté pour creuser le sol, dans l’espoir de faire jaillir quelque source d’eau fraîche, quand une explosion semblable à celle d’une pièce d’artillerie vint interrompre les travaux d’excavation. La détonation avait été entendue dans la direction du camp au-dessus duquel s’élevait un dais de fumée noire. — Une attaque d’Indiens ! — Tel fut aussitôt le cri général. Ce n’étaient pas les Indiens pourtant : c’était un incendie qui avait éclaté sur les hauteurs voisines de la vallée et qui gagnait l’épaisse forêt de cèdres au milieu de laquelle on se trouvait. Il fallait se hâter de chercher un abri dans les plaines que l’incendie ne menaçait pas, et où une partie de la caravane était déjà campée. La petite troupe avec laquelle marchait M. Kendall redoubla d’efforts pour sortir de la vallée ; mais les flammes interceptaient tous les passages. Partout l’incendie dévorait les arbres, qui craquaient sous le feu avec un bruit terrible ; les troncs enflammés roulaient de tous côtés ; on était comme entouré d’un cercle infranchissable. La nuit vint et la terrible lueur de l’incendie