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un magnifique cheval noir et armé d’un fusil à deux coups, d’une énorme rapière et d’une lance, passa près des envoyés, et sembla surveiller leurs mouvemens. Rejoint par un autre cavalier armé et monté de même, il s’éloigna brusquement avec cet homme. Cette rencontre parut de triste augure. Bientôt tout fut en mouvement dans le village à l’aspect des cinq étrangers, qu’on accueillit cependant avec un sentiment qui tenait le milieu entre la frayeur et la curiosité. Surmontant leur défiance, les Américains entrèrent dans la plus apparente des maisons du village. Dans ces hameaux exposés chaque jour aux invasions des Indiens, les habitations ressemblent à des prisons ; elles n’ont pas de fenêtres, et des portes massives en défendent l’entrée. Ce fut en proie aux plus tristes pressentimens que les voyageurs prirent un maigre repas, qu’on leur fit payer un prix exorbitant, puis ils se disposèrent à quitter le village ; mais les obstacles de la route les décidèrent à rétrograder jusqu’à Anton-Chico et à solliciter de nouveau l’entrée de la maison qui les avait déjà reçus.

Pour la première fois depuis des mois entiers, M. Kendall commençait à goûter le sommeil à l’abri d’un toit ; quand, vers une heure du matin, il fut réveillé en sursaut, ainsi que ses compagnons, par un grand tumulte qui se faisait entendre dans l’enclos attenant à la maison où étaient renfermés leurs chevaux et leurs mules. Un Mexicain ne tarda pas à se montrer et à demander qui était le capitaine de ce petit détachement. Le capitaine Lewis, s’étant présenté aussitôt, fut désigné pour recevoir une communication importante que le Mexicain avait à faire. La communication était grave en effet. Le Mexicain venait avertir les Américains qu’une escouade de soldats les attendait à leur passage, près d’un petit village nommé la Cuesta ; que ces soldats avaient pour mission de les arrêter, et qu’enfin le moins qu’eussent à redouter les Américains était d’être fusillés. Le Mexicain conclut cet alarmant rapport en demandant une piastre comme prix du service qu’il rendait aux voyageurs. Peu familiarisés encore avec les mœurs du pays, les Américains s’étonnèrent de l’impudence du drôle et le renvoyèrent brusquement porter ses communications ailleurs.

Les renseignemens donnés par le Mexicain n’étaient cependant que trop exacts. Les Américains avaient résolu de gagner San-Miguel par une route différente de celle qu’ils avaient suivie la veille, et déjà ils étaient en marche, quand un homme vint à leur rencontre. Celui-là n’était porteur d’aucun triste message, il n’avait à la bouche que de gracieuses et rassurantes paroles. Il indiqua aux voyageurs, avec le plus aimable empressement, le chemin qu’ils devaient suivre jusqu’au village de la Cuesta. Les Américains le remercièrent avec effusion, et pourtant ces charitables informations n’étaient qu’un piège.

La route leur avait été indiquée avec tant de précision, que, dans