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rément la majorité ne la désirait pas ; mais, après la défaite de cette insurrection, la majorité de Francfort se laissa aller à chicaner la répression que la Prusse avait faite de cette révolte. Elle prétendit que la Prusse, n’ayant pas été autorisée par le pouvoir central à marcher sur Dresde révoltée, avait excédé ses droits, c’est-à-dire que le parti qui avait allumé l’incendie se plaignait qu’on l’eût éteint, et il y avait une majorité pour trouver que cette réclamation était légitime.

Ce qui n’a point réussi à Dresde, la démagogie l’essaie aujourd’hui dans le grand-duché de Bade et dans le Palatinat bavarois, Cette tentative échouera comme celle de Dresde, nous l’espérons, et nous sommes forcés de l’espérer quand nous voyons quelles sont les doctrines de la démagogie allemande, quand nous lisons le manifeste de ceux qui s’appellent les démocrates allemands. Ces démocrates sont les réfugiés allemands de la Suisse, ceux qui ont commencé en Suisse dès 1846 la grande campagne du radicalisme contre la liberté, et qui ont étendu peu à peu leurs opérations en Italie, en France, en Allemagne, compromettant partout la liberté sous prétexte de la fonder. « Notre parti, dit ce manifeste, ne fait pas dater la révolution européenne de février 1848, mais de juin. La grande bataille de juin est le jour de naissance de la république rouge, c’est-à-dire de la nôtre. Cette seconde révolution, bien plus puissante que sa devancière, l’a frappée de mort. Le coup de main de février n’a pas d’autre importance historique que d’avoir rendu possible la révolution de juin… La révolution de février devait réussir, parce qu’elle se contentait d’écarter la pierre d’achoppement qui était sur la route ; mais la révolution de juin ne devait pas remporter la victoire dès sa première campagne, parce qu’elle avait pour but de renverser les fondemens mêmes sur lesquels reposent l’état, la religion et la société… Ce n’est qu’après la destruction et la mise en poussière de tout l’ordre social actuel que nous pouvons réaliser les principes de notre parti.

« Nous déclarons que l’état a un pouvoir absolu dans toutes les relations économiques et sociales de l’humanité.

« La transformation de la société doit être fondée sur la transformation de l’éducation et de l’instruction. C’est par là qu’elle doit devenir durable. L’éducation et l’instruction doivent se dépouiller de tout mysticisme religieux. Elles ne doivent tendre qu’à préparer l’homme à vivre avec ses semblables. La religion, qui doit être exclue de la société, doit aussi disparaître de l’ame de l’homme. L’art et la poésie réaliseront l’idéal du vrai, du bon et du beau que la religion met dans le vague des choses d’au-delà. La révolution anéantit complètement la religion, parce que la liberté et le bien-être qu’elle procure aux hommes les dispense d’espérer dans le ciel. »

Voilà la théorie de la révolution de juin, telle que la font, avec un sang-froid, qui semble toucher à la moquerie, les métaphysiciens du radicalisme allemand. Ici la révolution, est ardente et brutale ; là-bas elle est dogmatique. Les uns font, les autres disent. Si j’étais radical, après tout, j’aimerais mieux l’être de France que d’Allemagne.

Nous avons vu quelle avait été l’attitude du parti modéré et du parti violent à Francfort dans les derniers jours de l’assemblée ; voyons maintenant l’attitude de la Prusse.

Comme nous aimons sincèrement l’Allemagne, partout où nous voyons pour