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au but qu’ils voulaient atteindre ; il fallait faire sous une forme plus praticable et plus douce, et sous une forme monarchique, ce que l’assemblée de Francfort avait fait d’une manière à la fois hautaine et chimérique. C’est à ce moment que la Prusse fit connaître son projet de constitution germanique.

La marche que suivait le gouvernement prussien à l’égard de l’Allemagne, en proposant, de concert avec la Saxe et le Hanovre, son projet de constitution germanique, il l’avait déjà suivie à l’égard de la Prusse elle-même. Il avait, au mois de novembre 1847, substitué une constitution octroyée à la constitution que délibérait l’assemblée de Berlin, et il avait dissous cette assemblée. Cette constitution octroyée avait été peu à peu acceptée par le pays. L’exemple ayant paru bon, l’Autriche avait aussi fait la constitution d’Olmütz, qu’elle avait substituée également à la constitution que faisait l’assemblée de Vienne. Le système des chartes octroyées ayant réussi en Prusse et en Autriche, la Prusse cherche à l’appliquer à l’Allemagne, et remarquons qu’elle l’applique avec beaucoup d’habileté et de ménagemens. Ce n’est pas de la hauteur du droit divin que la Prusse octroie sa charte germanique, non, ce n’est qu’un simple projet qu’elle soumet à l’assentiment des états de l’Allemagne, et surtout ce projet ne fera loi que lorsqu’il aura été adopté par une assemblée nationale. Il y a plus, le projet a conservé toutes les dispositions de la constitution de Francfort « qui n’étaient pas incompatibles avec le bien général. » C’est donc évidemment une transaction que la Prusse a proposée. N’ayant pas pu transiger avec l’assemblée de Francfort comme elle a long-temps cherché à le faire, elle transige avec les libéraux de l’Allemagne. Elle essaie « d’assurer à la fois le maintien de tous les états particuliers avec le développement unitaire des intérêts communs et des besoins nationaux. » Comparez cette modération avec la violence démagogique des débris de l’assemblée de Francfort, et voyez de quel côté doivent être les vœux des amis de l’Allemagne.

Le parti libéral allemand semble vouloir se rallier à la transaction proposée par la Prusse. Les modérés de l’assemblée de Francfort, qui avaient cru devoir se retirer de l’assemblée au nombre de soixante-cinq, comme nous l’avons vu plus haut, penchent vers une conciliation. Ils viennent de prendre un rendez-vous à Gotha pour s’entendre sur la marche à suivre, et ils déclarent loyalement « qu’ils ont appris à connaître de nouveau l’opinion publique dans beaucoup de contrées allemandes. » Ils ne désavouent pas leurs actes politiques, mais ils avouent franchement qu’ils se sont éclairés. C’est un grand acheminement à la réorganisation du parti libéral allemand sous les auspices de la Prusse.

Il nous reste deux mots à dire sur les obstacles que peut rencontrer la politique prussienne et sur l’attitude que la France doit prendre en face de cette politique.

Nous ne parlons pas des obstacles que la démagogie essaie de créer : ces obstacles-là sont les insurrections et les émeutes, et la force décidera ; mais il y a au sein même des gouvernemens à qui la Prusse propose son projet des répugnances et des dissentimens qu’il faut vaincre. La constitution que propose la Prusse paraît encore trop unitaire à quelques états de l’Allemagne ; elle ne respecte pas assez l’autonomie et l’indépendance des états qui feront partie de