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bien qu’elles ne fussent pas encore très prononcées, ait pu accepter loyalement le portefeuille que lui donnait le grand-duc. Nous ne répondrions pas, au contraire, que M. Guerrazzi ne se fût déterminé à rester un bon et fidèle ministre de Léopold, car il ne peut se dissimuler que l’absorption de la Toscane par Rome, et, plus tard, dans une grande république italienne, ne soit de nature à amoindrir singulièrement sa position personnelle. Or, avant tout, pour lui, il s’agit de gouverner. Aussi ne se montre-t-il pas très pressé aujourd’hui d’abdiquer sa dictature pour aller rejoindre M. Mazzini à Rome.

Le programme politique imposé par M. Montanelli au grand-duc se résumait en deux mots : la guerre et la constituante. Le ministère démocratique n’était point encore bien fixé sur la portée du second article. En effet, en même temps qu’il organisait des élections nouvelles sur la base du suffrage universel et préparait une constituante pour la Toscane, il était encore question à Florence d’un projet de diète fédérale rédigé par l’abbé Rosmini à Rome, d’après les principes de M. Gioberti, et qui devait réunir dans une ligue offensive et défensive le pape, le roi de Sardaigne et le grand-duc. Ce projet avait même été accepté par le gouvernement toscan au commencement du mois de novembre, quoi qu’en ait pu dire M. Montanelli dans son discours du 22 janvier, et il est certain que des propositions simultanées, faites peu après cette époque par les ministères Rossi et Pinelli, avaient été prises en considération. Ce n’est que trois mois après que M. Montanelli a présenté son projet de constituante unitaire. Dans cet intervalle, la révolution s’était accomplie à Rome.

À Rome, les plans de la jeune Italie rencontraient un plus solide obstacle que ne pouvait l’être le ministère Capponi, qu’elle venait de renverser. Un homme d’une vaste intelligence et d’une fermeté à toute épreuve couvrait à lui seul la papauté. On l’attaqua à l’italienne. Les mazziniens montrèrent qu’ils n’avaient pas dépouillé toutes les vieilles traditions M. Rossi tombé, et c’est la plus belle oraison funèbre qu’on pût lui faire, tout s’écroula après lui. En vain M. Mamiani espéra-t-il contenir le flot qu’il avait, pour sa part, contribué à grossir. Nous avons sous les yeux deux lettres[1] que M. Mamiani a fait imprimer, et dans lesquelles il s’efforce de justifier la conduite qu’il a tenue et les événemens accomplis pendant son passage au ministère. L’une est adressée à ses électeurs, l’autre au saint-père. Il ressort clairement de cette brochure que M. Mamiani n’a jamais eu la pensée de détrôner Pie IX, mais qu’il a laissé les événemens prendre une tournure telle que la chute du pape en devait être la conséquence inévitable. Qu’importent, dans ce cas, les regrets et les apologies ? M. Mamiani est, dit-il, toujours resté constitutionnel et partisan de l’union fédérale des états italiens. Il a quitté le pouvoir quand il a vu apparaître la constituante unitaire, c’est-à-dire la république. Il n’en est pas moins vrai que lorsqu’il est arrivé de Gènes à Rome, après les attentats du 15 et du 16 novembre, et qu’il s’est assis à la place teinte du sang de M. Rossi, quand il a accepté le ministère contre le vœu formellement exprimé par Pie IX, quand il l’a gardé malgré la protestation de Gaëte du 27 novembre, laquelle invalidait formellement tout ce qui s’était passé à Rome depuis le 16, M. Mamiani faisait acte de révolutionnaire. S’il voulait sauver son souverain, comme il le dit, que n’imitait-il l’abbé

  1. Due Lettere di Terenzio Mamiani, Rome, 1849.