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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/196

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d’esprit et parlait couramment à la façon des princes ; mais, faible de santé, incapable d’application, hors d’état, en un mot, de gouverner par lui-même, il lui fallait une tutelle, sinon de droit, du moins de fait.

Sa mère n’avait encore pris aucune part aux affaires ; le roi et sa vieille maîtresse l’en avaient constamment écartée. Le roi mort, tous les regards se tournèrent vers elle : on pensait qu’elle allait régner.

Trois grands partis, les Guise, les Montmorency, les princes du sang, se disputaient le pouvoir. Catherine aurait voulu les tenir tous à distance, mais ils se seraient ligués contre elle ; il fallait faire un choix. Tous ils l’avaient négligée, humiliée du vivant du feu roi ; les Guise, comme le connétable, lui avaient fait l’injure de s’allier à la favorite. Elle avait cependant contre le connétable de plus vives rancunes que contre ses rivaux, et, quant aux princes du sang, quoique puissans dans le pays, leur éloignement de la cour, leur penchant à l’hérésie, ne permettaient pas de s’allier à eux : les Guise furent donc préférés. À vrai dire, le choix n’était pas libre. La jeune reine, Marie Stuart, exerçait sur son mari un souverain empire, et MM. de Guise étaient ses oncles.

Ceux-ci, en gens habiles, avaient promis à la reine-mère toute espèce de services et de soumissions. Dans les premiers momens, ils tinrent parole, et tout marcha d’accord entre Catherine et eux ; mais, quand une fois leurs principaux ennemis furent abattus, chassés, dépossédés de leurs emplois, quand le cardinal de Lorraine se fut bien assuré de la surintendance des finances, et le duc de Guise du commandement suprême de l’armée, ils commencèrent à changer de ton. Bientôt la reine-mère ne fut plus admise au conseil qu’à certains jours et pour certaines affaires. On gardait encore avec elle les apparences du respect ; mais plus de confidences, plus d’intimité : MM. de Guise avaient accaparé tout le gouvernement du royaume.

De ce moment, Catherine n’eut plus d’autre pensée que de reconquérir cette part de pouvoir dont à peine elle avait fait l’essai, mais sans laquelle elle ne pouvait plus vivre Elle renoua commerce avec le connétable, réveilla les espérances des princes de Bourbon. Trouver une occasion, un prétexte de faire sortir le connétable de Chantilly, de le ramener en cour, lui, ses fils et ses neveux, rappeler en même temps du fond de leur Béarn le roi de Navarre et le prince de Condé, tel fut désormais son espoir, le but constant de ses combinaisons.

Les finances étaient en désordre, les idées de réforme agitaient les esprits, tous les rangs de la société étaient atteints d’une inquiétude et d’un malaise qui demandaient un prompt remède. On proposa de consulter une assemblée de notables, vieil usage long-temps oublié, mais dont le feu roi avait tiré bon parti deux ans auparavant. Catherine s’empara de cette idée, et fit si bien que MM. de Guise furent à leur tour contraints de l’adopter.

L’assemblée des notables se tint à Fontainebleau. Le connétable y vint en compagnie de tous les siens et suivi d’une nombreuse escorte ; mais, au grand dépit de la reine-mère, le roi de Navarre et le prince de Condé manquèrent au rendez-vous. MM. de Guise, d’abord un peu troublés de la contenance du connétable et des discours de ses neveux d’Andelot et Coligny, reprirent confiance en voyant que les princes n’arrivaient pas. Ils rendirent compte en gros de leur administration, puis l’assemblée fut congédiée ; mais, avant de se séparer, on prononça le mot d’états-généraux, et la reine-mère appuya chaudement le