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REVUE DES DEUX MONDES.
LE CARDINAL DE LORRAINE.

Il n’y a pas dix minutes qu’il est au chevalet.

LE DUC DE GUISE.

À la bonne heure ! Vous m’étonniez…

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Ce sera bientôt fait, je pense ; il n’a pas l’air d’un cœur de roche.

NOËL.

Monseigneur…

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Eh bien ?…

NOËL.

Veuillez venir, il va parler.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Vous voyez, ce n’est pas long. Mouchy dirait qu’il n’y a pas de plaisir.

(Il lève la tapisserie et sort.)
LE DUC DE GUISE.

Ma foi ! je le laisse aller. Je n’ai pas de goût à ces comédies-là. J’ai pourtant vu dans ma vie bien des membres taillés, hachés, meurtris, bien des pauvres diables perdant leur sang ou leur cervelle, mais je ne sais pourquoi, sur les champs de bataille, ce n’est pas la même chose… Fi !… Ces gens qu’on disloque pour leur délier la langue !… Après tout, c’est leur faute ; pourquoi cachent-ils la vérité ?… (Au cardinal de Lorraine qui rentre.) Ah ! vous voilà… Eh bien ?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Eh bien !… versez-moi, s’il vous plaît, de l’eau dans ce bassin.

LE DUC DE GUISE.

De l’eau ? Lui faites-vous des ablutions ?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Versez, je vous prie, François… (Le duc prend une aiguière sur une table et verse l’eau dans le bassin.) Maintenant, ces lettres que je vous ai données, Les avez-vous là ?…

LE DUC DE GUISE, mettant la main à son pourpoint.

Les voici.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Ah ! vive Dieu ! vous avez conservé l’enveloppe ; je tremblais de peur que vous ne l’eussiez jetée… (Il détache l’enveloppe et l’examine à l’endroit et à l’envers.) Pas la moindre trace d’écriture… (Il la trempe dans le bassin.)

LE DUC DE GUISE.

Quelle cérémonie faites-vous là ? Est-il alchimiste votre homme ?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

S’il ne s’est pas moqué de moi, nous allons voir ce que nous cherchons.