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REVUE DES DEUX MONDES.
LE CARDINAL DE LORRAINE.

A-t-elle éclaté contre nous ?

LA REINE.

Non, j’étais là ; mais qu’elle avait de peine à se contenir ! Enfin, les larmes sont venues…

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Tendre mère !

LA REINE.

Après les larmes, les complaintes accoutumées : que vous dirai-je ? On lui dérobe l’affection de son fils ; il ne la compte plus pour rien ; elle n’est plus bonne à rien en ce monde ; elle souhaiterait mourir ! Vous savez comme ce pauvre François se plaît à ce genre d’entretien ! il n’en est jamais quitte sans d’affreux maux de tête. Et moi ! de quelle patience il faut m’armer ! Si le cardinal de Bourbon ne fût survenu, ce qui m’a donné ma liberté, François avait beau me supplier par signes de ne pas l’abandonner, j’étais à bout de mes forces ; et j’allais faire la partie belle à cette pauvre reine, en la laissant tonner contre vous tant que le cœur lui en eût dit.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Quelle charité, chère nièce !

LA REINE, à part.

Elle avait un bon moyen de me faire quitter la place… Cette façon de toujours me parler de M. de Condé… c’est insensé, mais j’étouffais !…

LE DUC DE GUISE.

Vous auriez très grand tort, Marie, de laisser ainsi le roi en tête-à-tête avec sa mère ; cela ne lui vaut rien… et vous savez ce que je vous ai dit.

LA REINE.

Pour cette fois, rassurez-vous, le cardinal l’aura bientôt mise en fuite. Il a de telles vertus soporifiques, ce cher cousin !… Allons, mon oncle, ne me grondez pas, moi qui viens vous souhaiter la bien-venue. Vous voilà donc arrivés ! N’allez pas prendre l’habitude de nous quitter ainsi : ni le roi ni moi, je vous jure, ne trouvons qu’une journée passe vite quand vous êtes loin de nous.

LE DUC DE GUISE.

Et nous, chère nièce, quel sacrifice nous avons fait ! avoir manqué la pompe de votre entrée !

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Savez-vous ce que j’entendais dire tout à l’heure dans la foule ? « Ce n’est pas une reine, c’est une déesse. »