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Il est certain qu’en France les idées sont croupissantes dans une classe, fiévreusement agitées dans une autre, que l’instruction est distribuée de manière à inspirer le dégoût à la paresse ou la présomption à l’ignorance, et à courber les intelligences sous un niveau médiocre ; que les mœurs sont ainsi faites qu’elles laissent les classes conservatrices s’engourdir dans l’isolement, l’apathie et l’indifférence, tandis que les classes révolutionnaires s’exaltent et se concertent avec une effervescence maladive. Stagnation et fermentation, voilà en deux mots l’état intellectuel et moral de la France. Pour lui rendre la santé et la vie, il faut ouvrir et lancer sur cette société de vastes courans d’idées saines, d’instruction forte et d’enseignemens moraux. Il faut régénérer et fortifier l’instruction par le libre mouvement de la concurrence. Il faut provoquer à la fois l’esprit d’initiative individuelle et l’esprit d’association. Il faut laisser les doctrines religieuses se répandre sur cette société décomposée avec toute la ferveur de la foi et toute la fougue du prosélytisme.

Enfin, quand on examine notre situation matérielle, on demeure convaincu que la France ne trouve pas un aliment suffisant pour son activité industrielle et commerciale, ne donne pas à ses enfans une sécurité d’existence satisfaisante, et que telle est l’origine de notre gangrène économique, le socialisme. Ce mal a deux causes : la médiocrité des capitaux dans le pays, le défaut de politique commerciale dans le pouvoir. Il n’y a donc que deux moyens de salut : il faut que le gouvernement conduise les affaires économiques de la France dans un système largement conçu et fermement arrêté ; il faut que l’agglomération des capitaux dans les associations soit encouragée résolûment par l’état. Si la France avait enfin une politique économique coordonnée, si elle organisait enfin suivant un plan logique ses finances, ses travaux publics, ses tarifs de douanes, ses colonies, — l’agriculture, l’industrie et le commerce français s’élanceraient dans la route droite et sûre qui leur serait ouverte, les capitaux auraient une direction, la spéculation des espérances certaines, le travail une perspective assurée. Alors, l’activité saine du pays étant occupée, le socialisme cesserait d’être menaçant. La meilleure manière de prouver le mouvement, c’est de marcher. Si la France travaillait et s’enrichissait beaucoup, on y disserterait peu sur les lois philosophiques du travail.

Voilà les trois conditions de la restauration sociale, voilà le triple ouvrage que l’assemblée législative doit réaliser immédiatement et simultanément par les lois qu’elle votera et les ministères qu’elle soutiendra ; mais, pour qu’elle accomplisse cette œuvre et termine, si c’est possible, la révolution, il faut que les classes conservatrices ne laissent plus dormir un instant leur action politique. Décentralisation, réveil de l’esprit municipal et provincial, liberté de pensée, liberté d’enseignement,