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sur nous. Puis, s’adressant au romancier, le chasseur continua : — Vous voyez ce ruisseau. Eh bien ! c’est sur ses bords que le jeune Osage trouva l’ame de sa maîtresse qui l’attendait en pleurant ; elle était assise là, sur cette pierre plate.

La caravane ne put faire ce jour-là que la moitié d’une étape ; mais, le lendemain et les jours suivans, le soleil, qui avait reparu brillant comme depuis notre départ, ayant séché la terre, l’expédition put avec quelques efforts regagner le temps qu’elle avait perdu. Ainsi que l’avait pressenti le chasseur, le soir du troisième jour, nous retrouvâmes les traces du campement des éclaireurs parfaitement conservées sur le sol, de nouveau durci par le soleil.

— À la bonne heure, dit le chasseur en les examinant avec attention, voilà qui est aussi clair qu’un changement de domicile annoncé dans les journaux. Les voyageurs ont campé ici comme nous allons le faire. Comme je vous le disais, ils ont trois jours d’avance sur nous, puisque c’est aujourd’hui la troisième halte après la pluie. Ici ce n’est pas comme sur la route, où les pas du dernier effacent ceux du premier ; dans un campement, chacun va et vient de côté et d’autre ; eh bien : ces voyageurs n’appartiennent pas aux états de l’ouest. Voyons, combien sont-ils ?

Le Canadien examina soigneusement les traces.

— Cinq, six, sept, huit, reprit-il ; ils sont huit, c’est-à-dire qu’il n’y a que quatre hommes en état de porter les armes : le père et trois fils sans doute, puis il y a trois enfans et la mère.

Ce signalement ne se rapportait pas très exactement à celui du squatter et de sa famille, puisque Townsbip n’avait que deux enfans en bas âge au lieu de trois. Je renonçai donc à l’idée que j’avais nourrie jusqu’alors, et j’y renonçai avec joie en pensant aux dangers auxquels s’exposaient si témérairement ces voyageurs, quand d’un mot le chasseur me replongea dans ma première incertitude.

— J’achèterai des lunettes à la première ville où nous passerons, Dieu me pardonne ! s’écria-t-il en se frappant le front. Est-ce bien moi qui ai pu confondre un instant les pieds d’une jeune fille avec ceux d’un enfant de dix ans ? D’autres, au fait, s’y seraient trompés aussi, car jamais de plus jolis petits pieds n’ont marqué leur empreinte sur les prairies.

En disant ces mots, le chasseur s’approchait d’un érable dont les bouquets pourpres pendaient à quelques pieds au-dessus du sol. Des touffes de fleurs, comme on en trouve souvent dans les savanes, croissaient à distance de l’érable : c’étaient des pavots sauvages et des marguerites des plaines.

— Tenez, reprit Tranquille, la jeune fille a couru vers cet érable. Les belles grappes rouges l’auront attirée ; elle s’est haussée sur la pointe