souverain maître ? Mon sang n’est-il pas à lui ? Sans doute il me serait doux, et je lui en fais la prière, de ne jamais le répandre que sur les champs de bataille ; mais si, pour l’honneur de son saint nom, il m’appelle à une autre mort, ne dois-je pas l’accepter ? Songez-y, mes amis : le sang de notre Du Bourg, d’un simple conseiller, a fait sortir de terre des milliers de fidèles ; que ne ferait pas celui d’un fils de France ?
Non, monseigneur, daignez nous croire : ce qu’il nous faut, ce n’est pas la mort, c’est la vie d’un protecteur tel que vous. Le martyre ne convient qu’aux humbles serviteurs de Dieu. Si vous avez à cœur le salut de vos frères, n’allez pas à la cour, nous vous en prions à genoux.
Monseigneur oublie donc qu’on ne joue pas ainsi d’un coup de dés le sort de toutes nos églises et la fortune de ce royaume !
Allons, messieurs, c’est assez. Levez-vous, ne perdez pas plus long-temps votre peine. Vous aurez beau leur montrer l’abîme, ils s’entêteront à ne le point voir. Ni vous, ni moi n’y pouvons rien. Je suis un vieux fou d’avoir fait, à mon âge, si long voyage pour si pauvre besogne. Tout ce que j’y gagne, c’est d’avoir appris en quelle estime on tient ici ma vieille et sincère amitié.
Connétable, voilà de rudes paroles.
N’y répondons, mon frère, que par un respectueux silence. (Au connétable.) Vous trouverez bon, mon cher oncle, que nous prenions congé de vous : nous voulons vous quitter bons amis.
Adieu donc.
L’événement dira qui s’est trompé ; mais ce qui sera vrai, quoi qu’il arrive, c’est notre profonde reconnaissance pour votre paternelle affection. (Aux ministres.) Croyez, messieurs, qu’il m’en coûte de vous quitter et que vos paroles me restent au fond du cœur. (Se tournant vers d’Andelot.) Adieu, mon cher d’Andelot.
Puisque vous partez, mon ami, partez du moins bien accompagné. Attendez à demain ; nous vous aurons quelques centaines de chevaux. Le connétable, j’en suis sûr, vous donnerait son escorte.