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a été plus énergique et plus grand dans maintes parties de la composition ; il n’a jamais été plus tendre ni plus doucement inspiré.

Par ses travaux de Saint-Paul de Nîmes, M. Hippolyte Flandrin a indiqué d’une manière lumineuse le grand problème qu’il s’est posé et la généreuse ambition qui le possède. Unir la science consommée de l’art moderne à la profonde tendresse des primitives écoles, associer la beauté hardie de la renaissance à l’expression ingénue du moyen-âge, ce doit être le but invariable de la peinture religieuse. Ces deux conditions sont difficiles à remplir ; mais celui qui néglige l’une ou l’autre n’accomplira jamais une œuvre digne de représenter les grandes scènes ou les dogmes sublimes du christianisme. Si vous obéissez à de puériles fantaisies archaïques, si, méprisant la beauté que vous ne pouvez atteindre, vous reproduisez avec prétention les fautes naïves des maîtres du XIIIe siècle, vous ressemblerez à un homme qui s’étudierait à bégayer le langage de ses premières années ; mais, si vous ne conservez pas, malgré toute l’expérience de l’âge mûr, quelque chose de l’enfance du cœur, si l’émotion, la grace, la candeur, tous les purs sentimens des vieilles écoles, ne brillent pas sous les formes magistrales de vos créations, vous pourrez être un grand peintre, vous ne serez pas le peintre de la pensée religieuse. C’est l’originalité de M. Hippolyte Flandrin d’avoir poursuivi ce but avec une persévérance infatigable. Il ne s’est laissé distraire ni par les fantaisies de la mode ni par des essais qui conviendraient mal à son talent. L’archaïsme prétentieux des néo-catholiques ne l’a pas séduit, pas plus que les dramatiques succès de plusieurs peintres contemporains n’ont tenté son intelligence, destinée à des triomphes d’une autre nature. Il a sagement consulté la vocation de son pinceau, et il a agrandi de jour en jour le domaine où il s’enfermait. La peinture murale, avec l’idéale grandeur et la calme dignité qu’elle exige, lui promet à l’avenir les plus légitimes triomphes tous ses progrès passés nous sont un sûr garant des œuvres qu’il nous doit. Dans ses travaux de l’église Saint-Séverin, quoique maître déjà d’une forme très habile, M. Hippolyte Flandrin se cherchait encore lui-même ; ses peintures de Saint-Germain-des-Prés ont révélé un talent désormais sûr de ses forces ; à Saint-Paul de Nîmes, il a fait un pas de plus, et la belle scène de l’abside, les pères grecs et latins, les processions des vierges et des martyrs, le ravissement de saint Paul et le couronnement de la Vierge doivent compter parmi les meilleures productions de ce temps-ci. En ce qui concerne surtout le grand art de la composition, M. Flandrin n’a rien fait qui égale ses travaux de l’église de Nîmes ; il a joint la simplicité à la richesse, et, ne pouvant arrêter l’esprit du spectateur sur un petit nombre de pages, il a obligé toutes les parties de son œuvre à s’unir harmonieusement dans une même pensée, dans un poème d’une majestueuse ordonnance.

On voit que cette grave épreuve de la peinture murale réalise les espérances qu’elle faisait concevoir pour le développement de l’école française. Les travaux de M. Ingres à Dampierre, de M. Delacroix au Luxembourg, de M. Delaroche aux Beaux-Arts, avaient déjà, par des mérites très différens, mis en pleine lumière cette bienfaisante influence ; dans le genre tout spécial de la peinture religieuse, le chœur de l’église Saint-Paul confirmera la démonstration. Espérons que ces heureux exemples ne seront pas perdus. Espérons qu’il sera donné à nos artistes,