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et Robert : il n’y a pas mis d’ouverture. On peut s’étonner qu’un compositeur qui manie l’orchestre avec une si grande habileté n’ait pas jugé à propos de reproduire dans une préface symphonique la physionomie générale du drame auquel il convie la foule. Nous serions presque tenté de croire que M. Meyerbeer éprouve quelque difficulté à développer longuement un morceau purement instrumental : son génie positif, qui saisit avec tant de vigueur et de vérité le cri de la passion dans une situation bien posée, possède-t-il la sève lyrique nécessaire pour traiter des idées musicales dans le cadre presque idéal de la symphonie ? C’est là une question qu’il n’appartient qu’à M. Meyerbeer de résoudre un jour.

Dès les premières scènes du drame, on trouve à signaler la jolie cavatine à deux voix que Berthe et Fidès chantent ensemble lorsqu’elles demandent au comte d’Oberthal la permission de quitter ses domaines. La mélodie en est élégante et facile. Le psaume que les trois anabaptistes entonnent à pleine voix est d’une grande beauté : c’est une mélopée d’un caractère sombre et sauvage qui revient sans cesse comme la pensée fondamentale de ce drame révolutionnaire. Le chœur de la révolte des paysans, qui termine cette courte, mais brillante exposition, est vigoureux et bien rhythmé.

Le chœur sur un mouvement de valse qui ouvre le second acte est agréable, et le récitatif mesuré par lequel Jean de Leyde raconte aux trois anabaptistes le rêve sinistre qui a frappé son esprit est certainement un morceau fort remarquable ; pourtant ce récitatif, qui débute par une allure imposante et solennelle, tombe parfois dans la recherche, et des modulations plus piquantes qu’il ne faudrait en tourmentent la conclusion. Ce défaut se retrouve aussi dans l’accompagnement, qui nous paraît être plutôt une curiosité musicale d’une élégance extrême que la traduction sévère de la situation dramatique. Ainsi, ce tremolo, que les violons font pétiller dans la partie suraiguë de leur échelle, attire et fixe l’attention de l’oreille, qui cherche à saisir les broderies exquises et les combinaisons ingénieuses qui se déroulent au-dessous de ce papillotement de la sonorité, et cette distraction de l’oreille repousse au fond du cœur l’émotion qui allait en jaillir. « Il faut, dit Aristote, assaisonner le discours d’images riantes, mais il ne faut pas s’en nourrir. » Ce précepte excellent est également applicable à la modulation, qui doit varier le discours musical sans en être le fondement. La romance de ténor que chante Jean de Leyde lorsqu’il se refuse de croire à sa grandeur future est ravissante, ainsi que l’accompagnement, qui l’encadre sans la froisser. Le quatuor entre les trois anabaptistes et Jean de Leyde prêt à quitter sa vieille mère est le morceau capital du second acte. Il commence par de longs récitatifs qui préparent laborieusement l’éclosion de l’idée principale ; mais le fragment de trio que chantent les trois anabaptistes pour vaincre l’hésitation