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l’Italie. À Rome, un pontife éclairé et bon prenait l’initiative d’une administration aussi laïque que le permet la nature du gouvernement romain ; à Florence, Léopold continuait la pratique de ce gouvernement libéral et sage dont la Toscane a su, dès le XVIIIe siècle, donner l’exemple et la leçon à l’Europe. La liberté politique, venait s’appuyer sur la bonne administration et la fortifiait. Le Piémont devenait une monarchie constitutionnelle sans cesser d’être une monarchie militaire. L’Autriche était tenue en échec par le libéralisme et par l’armée du Piémont. Où sont maintenant tous ces biens, les uns déjà accomplis, les autres espérés ? L’esprit démagogique s’est abattu sur l’Italie ; il a partout chassé le libéralisme, et comme l’esprit démagogique n’est pas capable de créer une force quelconque, parce qu’il est incapable d’ordre et d’organisation, il a livré sans résistance à la tyrannie de l’esprit despotique les peuples qu’il a, du même coup, agités et affaiblis. Telle est l’histoire de la lutte d’Italie. Le libéralisme n’a pas résisté à la démagogie, et la démagogie n’a pas résisté aux Autrichiens.

L’année 1848 a été une année d’effervescence populaire. L’année 1849 sera-t-elle une année de répression despotique ? Quant à nous, disciples persévérans de la liberté constitutionnelle, quelles que soient les formes de cette liberté, république ou monarchie, ce que nous regrettons surtout dans les orgies de l’esprit démagogique, c’est le tort irréparable que ces orgies font à la liberté constitutionnelle. Croyez-vous que le culte de cette liberté ait aujourd’hui en France autant de fidèles qu’il en avait il y a deux ou trois ans ? Croyez-vous que ce genre de gouvernement à la fois libre et régulier, dont nous avons joui en France pendant trente ans sous les deux dynasties des Bourbons, qui se répandait peu à peu dans toute l’Europe, qui s’accréditait en Allemagne et qui commençait à s’établir en Italie, qui créait partout à la France des points d’appui, qui cachait et effaçait insensiblement les différences nationales sous l’analogie des institutions, qui libéralisait le monde occidental, et, en le libéralisant, le séparait chaque jour davantage de la Russie et fortifiait l’indépendance par la liberté, croyez-vous que la chute de ce gouvernement en France n’ait pas eu un contre-coup funeste en Europe ? La république s’y est-elle fait autant d’adhérens et d’imitateurs que l’avait fait la monarchie constitutionnelle ? Nous n’attachons pas aux mots et aux formes une importance exagérée, et nous sommes persuadés que la république française, si elle reste aux mains du parti modéré, finira par reconquérir en Europe les sympathies qu’avait inspirées la monarchie constitutionnelle. Mais nous n’en sommes pas là, et partout, en attendant, la cause libérale recule, parce que la démagogie l’a compromise.

En Italie, la défaite de Novarre a affaibli le Piémont, mais elle ne l’a ni abattu ni déshonoré ; il s’est soutenu par la dignité morale qu’a montrée Charles-Albert en abdiquant la couronne ; il s’est soutenu par la sagesse et la fermeté que montre le nouveau roi. Les Piémontais auront toujours sur l’Italie une grande supériorité morale : ils se sont battus ; il y a eu là des hommes qui ont su mourir même pour une cause qu’ils croyaient perdue. L’épée que la démagogie avait mise dans les mains du roi Charles-Albert, et qu’il a acceptée, parce qu’un officier ne refuse jamais de se battre, devait se briser ; il le savait ; cela ne l’a pas empêché de la tirer courageusement hors du fourreau, et, quand elle s’est brisée, il a brisé en même temps sa couronne, non pour se punir des illusions qu’il n’avait pas eues, mais pour en finir avec la fatigue de régner, n’ayant pu dans