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par sa propre ardeur à leur audace, devinant les grands caractères qui s’étaient évanouis comme des rêves, et dont il ne pouvait trouver de traces que dans le reflet d’événemens aussi rapidement effacés. C’est ainsi que M. Thiers pénétrait alors, par la force de son esprit, dans une région en quelque sorte close. Bientôt, lorsqu’il aborde les approches du consulat, M. Thiers se présente comme un écrivain déjà admis à participer aux plus importantes affaires, et l’on reconnaît un homme qui passera bientôt des conseils à l’action. L’autorité de sa parole, l’avantage moral de ses relations, se manifestent à chacune de ses pages ; à la sûreté des traits, à la certitude des opinions, il est clair que les personnages sont familiers à l’historien, qu’il les a étudiés de près et à son aise, et qu’il puise dans le fond même de leur conscience les lumières qu’il répand sur leurs actes. Plus tard, M. Thiers revient prendre sa place sur le siège de l’histoire, au sortir des plus hautes transactions de ce monde, éclairé par la pratique, ayant tenu lui-même les rênes du gouvernement de la France, maître dans la connaissance des hommes illustres ou marquans qui se maintiennent sur le théâtre de la politique, et ne les jugeant plus sur des actes tout publics ou sur des entretiens intimes, mais les ayant éprouvés à la pierre de touche dans la double situation où l’homme livre tout le mystère de sa personnalité, dans l’accomplissement des devoirs de l’obéissance ou dans l’exercice du commandement. Plus la marche de son travail le rapproche des temps modernes, plus les hommes lui sont connus, moins les derniers restés de l’époque révolutionnaire ont de secrets à lui révéler, et plus il entend distinctement les vibrations de cet empire, qu’il s’apprête à faire revivre, sous toutes ses faces, dans notre esprit. Enfin, voilà que M. Thiers reprend sa plume, après qu’une nouvelle révolution a fait explosion sous les pas de ses anciens collègues du pouvoir, non plus 1830, commotion politique sous laquelle la terre de France n’a tremblé qu’un instant pour se raffermir encore pendant dix-huit ans, mais un mouvement qui se ramifie jusqu’aux extrémités du monde, soulève tout de ses bases, entraîne les trônes, laisse à demi renversés ceux qu’il n’engloutit pas, et nous découvre un abîme béant qu’il faut à la fois sonder et combler, ou périr. Quels motifs de méditation pour un écrivain placé, comme le furent tous les grands historiens, au sommet ou au centre des affaires ! quel thème de retours sur les événemens et sur les hommes pour qui est armé de tous les genres d’expérience, et quel sujet que l’étude de la forte organisation dont Napoléon dota la France, au milieu des douleurs d’une telle énigme !

Les négociations et les intrigues qui précédèrent la guerre nationale de l’Espagne contre Napoléon ont été l’objet des études et des controverses d’un grand nombre d’historiens. L’un des plus anciens, le comte