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royale, comme si les garanties n’embrassaient que la partie ducale. Le préambule des actes de garantie signés par la France et l’Angleterre est positif, c’est le duché de Schleswig lui-même que ces puissances ont en vue. Que si les actes parlent plus loin de la possession paisible de la partie ducale, que peut-on voir en cela de restrictif ? Quel est le but des garanties en général, sinon l’affermissement des droits et des positions qui sont en contestation ou en péril ? Ici les difficultés n’étaient possibles que pour la partie ducale du Schleswig ; la partie royale ne pouvait être le prétexte d’aucune contestation, étant une ancienne dépendance de la couronne de Danemark replacée simplement sous l’empire du droit de succession au trône établi par la loi royale. Bien que les puissances aient voulu donner et qu’elles aient donné effectivement leur garantie pour tout le duché, elles crurent convenable, à cause des prétentions qui s’étaient élevées et qui pouvaient se produire encore au sujet de la partie ducale, de désigner celle-ci comme objet essentiel de la garantie. Cette pensée apparaît avec clarté dans le cours des négociations, et notamment dans la phrase suivante dont le Danemark demanda l’insertion dans l’acte : « Que sa majesté très chrétienne s’engage à garantir au roi de Danemark le duché de Schleswig et à le maintenir dans la possession paisible de la partie ducale de ce duché. » C’est en ce sens que furent rédigés les traités. La garantie s’est étendue à tout le duché ; mais l’effet particulier de cet acte, le maintien du roi de Danemark dans la possession de la partie attaquée, a été défini d’une manière plus précise.

En vérité, il faudrait être pris d’un étrange amour du sophisme pour refuser de voir que si la partie royale du Schleswig n’a point été l’objet d’une stipulation en quelque sorte individuelle, c’est qu’elle était placée au-dessus du doute. La France et l’Angleterre, auxquelles s’est joint plus tard l’empereur de Russie comme chef de la maison de Holstein-Gottorp, ont entendu assurer à la couronne de Danemark la possession perpétuelle de tout le Schleswig, et ces garanties sont depuis lors considérées comme une partie intégrante du système politique de l’Europe. On ne saurait donc y toucher aujourd’hui, sans porter l’atteinte la plus flagrante à ces droits écrits que l’Allemagne invoque. Vous avez voulu couvrir votre ambition sous des prétextes de légalité ; vous avez, dans cette pensée, fait un appel à la science, vous avez cru pouvoir profiter de l’obscurité des temps anciens pour faire parler l’histoire en votre faveur, vous l’avez commentée, vous l’avez mise à la torture, et vous lui avez arraché des réponses forcées ! Mais lorsque la raison et l’équité, remontant sur les traces de vos sophismes, vont à leur tour interroger ces vieux textes à l’abri desquels vous aviez cru pouvoir vous réfugier, elles obtiennent de l’histoire un langage bien différent de celui que vous lui prêtez complaisamment. Il faut en prendre votre parti, votre science a tort tout comme votre politique ; vous êtes injustes dans votre érudition comme dans votre diplomatie, et vous n’avez, en définitive, aucun argument qui vaille, si ce n’est votre force, ultima ratio.

L’Europe le sait, et il est vrai de dire qu’elle est unanime à blâmer les argumens, les prétentions et la conduite de l’Allemagne. Ce n’est point un de ces problèmes politiques qui engagent les opinions et divisent les puissances en éveillant leur convoitise et leurs rivalités ; c’est, au contraire, une de ces questions sur lesquelles tous les cabinets sont portés à tomber d’accord, parce qu’aucun en dehors de l’Allemagne ne voit rien à gagner à un changement. Tous, en effet,