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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/761

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du Schleswig, à son indissoluble union avec le Holstein, privilège des nationaux qui n’étaient pour rien dans les hostilités exercées par la maison de Gottorp. Fallût-il admettre cette indivisibilité, que l’on ne peut en définitive appuyer sur aucun témoignage sérieux, il existe un principe incontesté dans le droit des gens : c’est que l’état conquérant peut changer la constitution du territoire conquis sans avoir égard aux promesses faites par le souverain dépossédé. Tous les précédens historiques, tous les auteurs en font foi, aussi bien que la raison. Or, il arriva justement que le roi de Danemark, affermi dans sa conquête par un traité de paix solennellement garanti, crut pouvoir changer la constitution jusqu’alors en vigueur dans le Schleswig. Invités à lui rendre hommage, les états rappelèrent eux-mêmes, dans l’acte de prestation (4 septembre 1721), ces anciens rapports du Schleswig avec le royaume de Danemark, et, après avoir dit que ce duché, autrefois partie intégrante de la couronne (altes Stuck), lui avait été arraché par l’injure des temps (injuriâ temporum), ils déclarèrent qu’ils prêtaient le serment de fidélité selon la teneur de la loi royale (legis regioe) au roi et à ses successeurs héréditaires royaux, de sorte que la nouvelle loi de succession au trône se trouvait expressément reconnue par le Schleswig lui-même. Les modifications qui, par suite du nouvel état de choses, ont été apportées plus tard au gouvernement et aux institutions représentatives, ont de même été acceptées sans difficulté. De pareils faits ont dû vivement tourmenter les publicistes du Schleswig-Holstein ; aussi ont-ils cherché à les combattre par les interprétations les plus hasardées. Selon eux, le mot couronne doit signifier la couronne du Schleswig ; la loi royale (lex regia) ne serait ici que le statut de primogéniture, désignations qui n’ont jamais été employées en ce sens. On soutient encore, il est vrai, que les états du Schleswig auraient prêté foi et hommage à Frédéric IV, non comme roi, mais comme leur unique seigneur et duc. Si telle eût été leur intention, ils auraient certainement dit, en des termes positifs, suivant l’usage ancien et invariable, que le roi n’agissait pas comme roi ; ils l’eussent fait surtout en présence de la situation nouvelle du pays et de cette nécessité d’un acte d’hommage envers les successeurs héréditaires désignés par la loi royale.

Viendra-t-on maintenant alléguer que le Schleswig n’aurait pas été garanti au roi Frédéric IV comme roi de Danemark, mais comme duc de Schleswig, et que par conséquent ses successeurs mâles, seuls aptes à succéder d’après le prétendu droit de succession attribué par les Allemands au Schleswig et au Holstein, pourraient seuls se prévaloir de la garantie des traités ? Mais qu’on veuille bien se rappeler le sens de l’histoire. N’est-ce pas en qualité de roi de Danemark que Frédéric IV avait fait la guerre ? N’est-ce pas à ce titre qu’il avait pris possession du Schleswig et conclu la paix ? Il ne s’agissait nullement de l’intérêt d’un roi duc de Schleswig, il s’agissait du droit, de l’intérêt et de la sûreté de la couronne de Danemark et des Danois ; c’est le conseil d’état, ce sont les ministres de cette nation qui ont délibéré et négocié. Enfin la possession du Schleswig n’a été assurée à la couronne danoise qu’à la condition que les conquêtes faites par les Danois en Poméranie fussent rendues.

Reste une objection à laquelle l’Allemagne attache une grande importance. À défaut d’un gain plus ample, on voudrait du moins placer en dehors des stipulations des traités à peu près la moitié du Schleswig, c’est-à-dire la partie