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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/774

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dynastie à dynastie, de prince à prince ; nous sommes prêts à vous écouter. Mais si vous voulez parler au nom de l’assemblée de Francfort, si vous voulez mêler dans vos affaires l’assemblée nationale, nous ne vous écouterons pas ; car, pour nous, il n’y a plus d’assemblée nationale. Elle a fait son temps. Elle est de l’an passé. Laissons donc de côté toutes les vieilleries d’hier, et expliquons-nous, je ne demande pas mieux ; mais pas de tiers populaire dans nos entretiens.

Sur ce fier langage nous devons faire deux courtes remarques. La première, c’est que l’Autriche le tient, quand elle est livrée aux plus grands embarras. Il faut donc qu’il lui soit inspiré. Or, il n’est pas difficile de deviner quelle est la puissance qui inspire à l’Autriche son langage ; c’est la Russie qui, après s’être tenue toute l’année dernière immobile et armée, attendant les occasions, prête à profiter des inimitiés et des répugnances que la démagogie ne manque jamais de créer contre la liberté, croit aujourd’hui que le temps est venu et envoie ses troupes en Hongrie au secours de l’Autriche pour combattre « une révolte qui n’est plus seulement autrichienne, mais européenne. » Telles sont les paroles de la Russie, et elles sont significatives, car la révolte européenne n’est pas seulement en Hongrie ; elle est en Allemagne, elle est en Italie, nous allions dire, Dieu nous pardonne ! prenant le mot de la Russie dans son sens le plus intime, que la révolte européenne est aussi en France.

La seconde remarque que nous voulons faire sur la note autrichienne, c’est qu’elle avait pour but de déconcerter la double politique que la Prusse semblait suivre. La Prusse en effet avait double visage : à Vienne visage monarchique, à Francfort visage populaire et surtout germanique. Quelques personnes ne manquaient pas de voir dans cette double politique une marque de cette habileté ambitieuse à l’aide de laquelle la Prusse s’est peu à peu agrandie en Allemagne. On expliquait par la perfidie ce qui peut s’expliquer plus naturellement par la faiblesse et l’incertitude des conseils humains. Il y avait en effet pour la Prusse deux politiques à suivre, la politique populaire et la politique monarchique. La politique populaire était pompeuse et périlleuse. Il fallait, disaient les partisans de cette politique, se donner au peuple, accepter la couronne impériale, se mettre hardiment à la tête de l’Allemagne démocratique et faire au besoin la guerre à l’Autriche. Cette politique a eu sa vogue à Berlin, dans les rues, il est vrai, plus qu’à la cour, et déjà les journaux prêchaient la guerre et invoquaient les manes des héros de la guerre de Silésie ; mais pendant ce temps le régiment de l’empereur François, c’est le titre que porte un des régimens de l’armée prussienne en souvenir de la confraternité de la Prusse et de l’Autriche en 1813 et 1814, le régiment de l’empereur François inaugurait solennellement dans sa caserne le portrait de l’empereur actuel d’Autriche. Ce n’est pas un des traits les moins curieux à noter que cette répugnance qui existe presque partout entre l’armée et la démagogie. L’instinct de la discipline repousse l’instinct du désordre. L’armée eût obéi si le roi eût décidé la guerre ; mais le rôle de Charles-Albert, c’est-à-dire d’un roi faisant la guerre pour la démagogie qui doit le détrôner s’il réussit, et l’abandonner s’il succombe, ce rôle n’avait rien qui pût tenter le roi de Prusse.

Nous venons d’indiquer les différentes combinaisons entre lesquelles la pensée du gouvernement prussien a pu flotter. Bientôt cependant il s’est décidé avec