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Patriotes passionnés, soldats dévoués des réformes constitutionnelles, ils ont sacrifié et une partie de l’Allemagne et une partie du vrai programme libéral à ce fantôme de l’unité qui leur échappe toujours !

Je voudrais raconter nettement cette confuse histoire ; je voudrais mettre en scène les hommes et les doctrines, signaler les péripéties de la lutte, faire connaître enfin les alternatives de bien et de mal qui ont honoré tour à tour et compromis l’influence du parlement de Francfort. L’impartialité, j’ose le dire, ne me sera pas un devoir pénible. Si l’assemblée de Francfort eût travaillé efficacement à la constitution de l’unité allemande, il nous eût été difficile de nous intéresser à son succès : le jour où l’empire allemand se constituera, la France devra mettre la main sur son épée, et, puisqu’on aura déchiré contre elle les traités de 1815, elle les déchirera aussi pour redemander ses frontières ; mais, hélas ! grace aux fautes sans nombre des politiques de Francfort, ce danger ne nous menace guère : j’en vois un autre bien plus sérieux. Ce n’est pas l’unité de l’Allemagne qui peut nous effrayer à l’heure qu’il est, c’est la victoire de l’absolutisme préparée par les folies démagogiques. Si la victoire reste aux souverains, quelle complication pour toute l’Europe et quel échec pour l’esprit de la France ! Au lieu de ces pays constitutionnels qui grandissaient sous nos yeux pour porter au loin le triomphe de nos idées, c’est l’influence russe qui sera debout à nos portes. Je n’éprouverai donc aucune peine à étudier impartialement les travaux de l’assemblée de Francfort ; nos ennemis ne sont pas là. Ce qu’elle a fait de bien ne saurait plus nous nuire, et, si ses fautes nous créent un jour des périls sérieux, l’Allemagne elle-même en serait la première victime. Reprenons confiance cependant ; ni la liberté ni la civilisation ne doivent périr. Éclairée par les événemens, pressée entre l’anarchie et le despotisme, l’Allemagne, tôt ou tard, saura retrouver ses voies. L’histoire que je vais commencer serait trop affligeante, si je n’étais soutenu en l’écrivant par ce sympathique espoir dans les destinées d’un grand peuple.


I

La révolution de février venait d’éclater. Un orage de quelques heures avait emporté la monarchie constitutionnelle, et le vieux roi dont l’habileté proverbiale contenait depuis dix-huit ans tous les efforts de la démagogie européenne errait misérablement sur les chemins de l’exil. Un avenir inconnu, rempli à la fois d’espoir et de menaces, s’ouvrait aux imaginations. L’Allemagne surtout, travaillée comme elle l’était par une fermentation sourde, devait ressentir jusqu’au plus profond de son ame les émotions de ce formidable instant. La république proclamée à Paris ! À ces mots, éclatant comme la foudre et courant