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même d’un grand nombre de villes, les Juifs furent élevés le 1er avril à la dignité de citoyens. L’assemblée s’attacha surtout à poser les principes, suffrage universel, éligibilité universelle, sans aucune autre condition que celle de l’âge et de la nationalité. Quant à l’exécution même de la loi, quant à la question de savoir si le suffrage serait direct ou indirect, elle s’en remit à la sagesse des gouvernemens et les laissa libres de décider sur ce point, selon les convenances particulières de chaque pays, selon les nécessités de l’ordre public. Elle voulut cependant faire connaître sa pensée propre et déclara que le suffrage universel et direct était le mieux approprié à la situation du pays. On vota encore une autre disposition importante : il fut décidé que les députés pouvaient être choisis dans tous les pays allemands ; un Prussien avait le droit de représenter l’Autriche, un Autrichien pouvait représenter la Saxe, ou plutôt on ne voulait pas de députés autrichiens ou prussiens, westphaliens ou saxons : on ne voulait que les députés de l’Allemagne. Par malheur, cette décision ressemblait un peu trop à la conquête du Schleswig et du duché de Posen ; il est plus facile de rédiger un article de loi que de le faire passer dans les mœurs. Lorsque notre assemblée constituante détruisit les vieilles circonscriptions provinciales, elle ne fit, selon l’expression de M. Mignet, que décréter une révolution déjà faite ; l’Allemagne, nous le verrons trop par la suite de cette histoire, décrétait une révolution impossible. Ce ne furent pas des députés allemands, ce furent des Autrichiens et des Prussiens, des hommes du nord et des hommes du midi, des catholiques et des protestans, qui vinrent siéger à Francfort.

Des questions plus graves et plus irritantes se présentèrent à la séance du soir. On avait décidé le matin que le parlement de Francfort se réunirait dans les premiers jours du mois de mai : du 1er avril au 1er mai, quel serait le représentant de l’Allemagne nouvelle ? Laisserait-on aux gouvernemens le soin de surveiller, le soin d’accomplir l’œuvre révolutionnaire de l’assemblée des notables ? Ne fallait-il pas se déclarer en permanence et ne déposer le pouvoir qu’entre les mains du parlement national ? Les orateurs qui ouvrirent la discussion demandèrent énergiquement la permanence, et l’assemblée paraissait disposée à les suivre, lorsque M. Welcker monta à la tribune. « Messieurs, dit-il, je veux comme vous l’exécution la plus prompte et la plus complète de la loi électorale que nous venons de voter ; mais ce n’est pas sur une assemblée de six cents députés que nous pouvons nous reposer de ce soin. Voilà pourquoi je repousse la permanence. Nommons un comité exécutif, un comité puissant et résolu, qui sache s’entendre avec la diète pour obtenir des gouvernemens de l’Allemagne le respect de nos décisions. Ne l’oubliez pas, en effet : la diète existe ; elle existe épurée, transformée déjà, et elle ira se transformant encore chaque jour sous l’influence de l’esprit nouveau, sous l’action des événemens