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de tactique chez celui-ci, devait mettre à couvert la responsabilité de l’ambassadeur. Fait significatif et qui réfute d’avance l’excuse invoquée après coup en faveur de lord Palmerston, c’est M. Bulwer, accusé plus tard d’avoir compromis le Foreign-Office par sa légèreté et son emportement, qui donnait ici à son chef un conseil implicite, mais éloquent, de modération. C’est lui qui, dans sa dépêche du 10 avril, discutant les résultats probables du triomphe de la révolution à Madrid, écrivait ces paroles : « Il n’est pas douteux que la confusion sera grande, car ceux des personnages de quelque importance que la police a laissés tranquilles se sont rendus suspects à leur propre parti. Il arrivera donc ceci, que les hommes importans du parti, tant ceux qu’on a arrêtés et éloignés que ceux qui sont restés tranquilles dans leurs demeures, seront impuissans à calmer le tumulte et à régulariser le désordre de la victoire populaire. » M. Bulwer ne veut, on le voit, dissimuler à son chef ni l’imminence d’une révolution (ce qui était, par parenthèse, une nouvelle apologie des précautions prises par le gouvernement espagnol), ni les terribles probabilités qu’amènera la victoire populaire. Quoi qu’on lui ordonne, M. Bulwer se lave d’avance les mains du sang versé. Scrupules bien imprévus de la part de M. Bulwer, mais à coup sûr légitimes ! Si l’agent, le simple agent, qui a ici un affront personnel à venger, et qui, dans la manifestation de ses rancunes, peut, à la rigueur, s’appuyer sur la lettre des instructions antérieures du Foreign-Office, hésite ainsi, au moment de frapper le dernier coup, devant les conséquences de sa complicité avec l’émeute républicaine, que fera lord Palmerston, lui, le gardien de l’honneur diplomatique de l’Angleterre, lui, l’organe et le représentant direct du seul pays qui ait su résister à la fièvre révolutionnaire du jour, et que la Providence semble avoir désigné pour remplir, au sein de l’universelle anarchie, le magnifique rôle de modérateur ; lui, enfin, dont l’amour-propre n’est pas visiblement engagé dans le débat, et qui trouve un prétexte honorable de rétractation dans les termes conditionnels de sa note du 16 mars ?

Ce qu’il fera ? Il relèvera l’audace défaillante de M. Bulwer, il revendiquera une solidarité pleine, entière, définitive avec M. Bulwer, avec l’homme qui a osé prêter à la conspiration républicaine le patronage officiel de l’Angleterre. Dans sa réponse du 20, lord Palmerston approuvait sans réserve la conduite de l’agent britannique, et il prenait sur lui, pour rendre cette approbation plus encourageante et plus efficace, de la donner au nom du cabinet tout entier. Ce n’est pas tout : sans même attendre les explications dit gouvernement espagnol, comme s’il craignait de laisser à celui-ci le temps d’enlever tout prétexte d’irritation à l’Angleterre, comme s’il avait hâte de saisir au vol une occasion de rupture laborieusement préparée, il enjoignait à M. Bulwer