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celui de la Grande-Bretagne, et qu’il serait dès-lors opportun d’appeler aux affaires l’illustre Robert Peel, l’habile homme d’état qui, après avoir conquis dans son pays la faveur générale de l’opinion, a su encore se concilier les sympathies et l’estime de tous les gouvernemens européens ? Il dirait ce que, par les mêmes motifs et non sans moins de raison, dit aujourd’hui le gouvernement espagnol : Qu’il ne reconnaît à aucune puissance ni le droit ni le pouvoir de lui imposer des règles de conduite et de se permettre des récriminations qu’il repousse comme attentatoires à la dignité d’une nation indépendante et libre. Animé donc de ces sentimens, qui sont inséparables du point d’honneur espagnol (hidalguia), inséparables de toute politique qui se respecte, le gouvernement de sa majesté catholique ne peut s’empêcher de protester de la façon la plus énergique contre le contenu des dépêches de lord Palmerston et de votre seigneurie, et, considérant qu’il ne peut les conserver sans détriment pour sa dignité, il les renvoie ci-jointes à votre seigneurie. Il déclare par la même occasion que, s’il arrivait une autre fois que votre seigneurie ne se limitât pas dans ses communications officielles aux points de droit international et prétendît, outrepassant les bornes de sa haute mission, se mêler des affaires particulières du gouvernement espagnol, je me verrais dans la nécessité de lui renvoyer ces communications sans autre réponse. »

La rupture était complète, et M. Bulwer semble effrayé tout le premier d’avoir si bien réussi. Jamais depuis cinquante ans, même aux époques où l’Espagne pouvait se retrancher dans notre alliance, langage plus fièrement explicite n’avait répondu aux exigences anglaises, et c’est au moment où l’incendie républicain lui coupait toute issue sur le continent que le gouvernement espagnol osait ainsi brûler ses vaisseaux. Que dira-t-on au Foreign-Office de cette révolte inouie ? Lord Palmerston ne sera-t-il pas tenté de croire que la force pourrait bien être ici du côté de l’audace, et ne désavouera-t-il pas, pour atténuer l’échec de sa politique, l’agent qui l’avait si profondément engagé ? A tout hasard, M. Bulwer juge prudent de pallier la crudité de sa dépêche du 9. Il adresse au duc de Sotomayor une série d’explications embarrassées et maladroites. Il était trop tard. Le duc de Sotomayor prend acte des aveux de M. Bulwer, en maintenant ses propres déclarations, et, n’ayant plus de motif de persister dans l’attitude du dédain qui ne discute pas vis-à-vis d’un adversaire qui descend lui-même de la menace à la discussion, il saisit cette occasion pour relever point par point l’odieux des procédés, l’étrangeté des prétentions du Foreign-Office.

En même temps qu’il essayait, mais en vain, d’amortir provisoirement l’affaire du côté du gouvernement espagnol, M. Bulwer affectait, vis-à-vis de son gouvernement, un langage qui, dans le cas d’un changement