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assis dans un vaste théâtre, s’attendrissaient aux malheurs de ce grand roi qu’ils avaient si vigoureusement châtié huit ans auparavant[1]. Devenus juges compétens de la poésie la plus sublime, ils pleuraient aux lamentations de Darius et d’Atossa chantées par un des leurs, par un soldat de Salamine et de Platée.

La génération d’Eschyle vit les plus grands malheurs et la plus grande gloire d’Athènes. Cette gloire, cette prospérité, furent dues à la révélation de sa puissance maritime. Xercès obligea les Athéniens à devenir matelots, et ils régnèrent sur la mer après la bataille de Salamine. Ardens à la poursuite du barbare, ils fondèrent une ligue où entrèrent toutes les villes grecques qui avaient des vaisseaux, c’est-à-dire toutes les villes commerçantes. Bientôt leurs alliés, moins belliqueux, se rachetèrent du service militaire en payant des trirèmes athéniennes. Dès ce moment, ils cessèrent d’être alliés, ils devinrent tributaires ; mais cela se fit sans violence et par une transition presque insensible. Les contributions que payaient les alliés devaient autrefois être employées à faire la guerre aux Perses et à les éloigner des mers de la Grèce ; mais les Perses avaient demandé la paix, et aucun pavillon étranger ne se hasardait plus en vue des côtes de la Grèce, toujours bien gardées par les vaisseaux athéniens. Athènes cependant continuait de percevoir les contributions de guerre : elle les employait à bâtir ses temples, à fortifier ses ports. M. Grote me paraît un peu indulgent pour cette interprétation des traités. « La domination d’Athènes, dit il, était douce, intelligente, et ses alliés, riches et tranquilles sous sa protection redoutable, n’avaient point de plaintes réelles à former. » Cela n’est pas douteux ; mais, de quelque manière que l’on envisage la question, il est impossible de ne pas voir dans ce protectorat qui s’impose graduellement tous les caractères d’une usurpation.

En général, on surprend chez M. Grole une certaine partialité pour Athènes, et aussi je ne sais quelle aversion, qui se trahit comme à son insu, contre sa rivale, Lacédémone. Il y a peut-être dans ce sentiment une réaction involontaire contre l’esprit anti-démocratique qui a dicté la plupart des histoires de la Grèce écrites en Angleterre. M. Grote a protesté avec raison contre cette tendance. D’un autre côté, à examiner de près les institutions et le caractère des deux républiques rivales, comment se défendre de cette séduction exercée par un peuple si spirituel, si communicatif, et qui a tant fait pour l’humanité ? À cette démocratie d’Athènes, qui sait respecter la liberté de l’individu, qui toujours répand autour d’elle les bienfaits de ses arts et de sa civilisation perfectionnée, que l’on oppose le gouvernement oligarchique

  1. Le Parthénon fut achevé en 432 avant Jésus-Christ. La tragédie des Perses fut représentée en 472. La bataille de Salamine est de 480.