Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/931

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un arpent. C’est à cela aujourd’hui que se bornent ses démonstrations arithmétiques. À chaque pas qu’il fait, le socialisme perd donc un masque et découvre un trait nouveau de sa brutalité native. Et c’est sous ce visage repoussant, pendant que ses sectateurs font retentir : les airs de cris sinistres, qu’il viendrait demander à être toléré tranquillement sur le terrain de la loi, et à faire compter avec lui les majorités immenses, légales et régulières du pays ! Cela n’est pas donné comme sérieux et ne peut être pris comme tel. C’est le socialisme le premier qui s’est mis en dehors de nos lois, et qui a fait contre elles et toute la société dont elles émanent le fameux serment d’Annibal. À chacun son terrain et ses armes. Au socialisme tout le fond de passions sauvages, ignorantes, rebelles, qui fermentent au fond des grandes masses d’hommes. À nous le terrain de la loi que nous avons assez chèrement reconquis pour avoir le droit de nous y asseoir et de nous y fortifier.

La majorité de l’assemblée est donc parfaitement libre, en respectant les personnes et les droits constitutionnels de la minorité, de déclarer spontanément la guerre aux opinions et de courir sus au socialisme. Elle a le droit de le considérer, tel qu’il est, comme la gangrène de la civilisation dont elle doit se délivrer ou périr. Bien entendu d’ailleurs, et nous n’avons pas attendu les élections pour le dire, que le remède ne consiste pas seulement dans de simples lois défensives et dans des appareils de compression extérieure. Si le socialisme a ses effets qu’il faut arrêter, il a ses causes intérieures qu’il faut faire disparaître. Mais ce qui fait la position grande et unique de cette majorité, c’est qu’elle renferme en elle-même toutes les faces du gouvernement du pays. D’ordinaire, dans les pays constitutionnels, deux grands partis divisent les assemblées : l’un sollicitant le progrès dans les institutions, l’autre défendant les traditions et opposant aux impulsions de l’esprit novateur une salutaire résistance. De leur lutte, de leurs succès alternatifs doit naître, dans les pays ainsi constitués, un progrès légal et continu. Ces deux partis n’ont jamais existé bien nettement parmi nous, et ceux qui en prenaient le titre n’en remplissaient qu’imparfaitement les devoirs. De là les tiraillemens et la fin précoce du gouvernement constitutionnel. Par l’effet de notre révolution profonde et subite, l’assemblée nouvelle se trouve à la fois investie de cette double tâche. Elle a devant elle tout un état politique désorganisé à refaire, tout un état social menacé à défendre. Jamais il n’y eut à faire à la fois une telle œuvre de conservation et une telle œuvre d’initiative et de progrès. Détraquée par tant de vicissitudes successives et violentes, la France appelle des institutions nouvelles qui lui permettent de vivre en paix quelques jours. Menacée par un mal implacable qui ronge la moelle de ses os, elle appelle des moyens énergiques qui taillent dans le vif et arrêtent la contagion. La répression est nécessaire et doit être