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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/964

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rapproché des Turcs ; Ali-Pacha, qui commandait l’armée ottomane devant Clausenbourg, le fit appeler dans sa tente. Apàfy hésita quelque temps et s’y rendit avec défiance, ne sachant trop si c’était la couronne ou le cordon qui l’attendait. L’incertitude ne fut pas longue : deux jours après son arrivée, une diète convoquée par le pacha l’élisait prince de Transylvanie (1661). L’élection eut lieu à l’unanimité ; les opposans devaient avoir la tête tranchée.

J’ai dit que l’investiture se payait ; Apàfy était à peine élu, qu’on lui demanda 80,000 écus d’or. Le pays était désolé, il n’était pas une ville qui n’eût été pillée et saccagée également par les impériaux et par les Turcs. On fondit les bijoux et les anneaux d’or, les nobles et le clergé furent mis à contribution, on pendit quelques retardataires, et les Turcs eurent leur argent. Dès que la somme fut payée, le pacha abandonna la principauté ; deux cent mille hommes, commandés par Achmet-Pacha, marchaient vers les frontières de l’Autriche ; les Hongrois s’étaient joints aux Turcs, qui voulaient réunir toutes leurs forces pour terminer la guerre par un grand effort sur Vienne. Les Turcs promettaient à Apàfy la couronne de Hongrie pour le décider à une coopération franche et énergique. Les circonstances rendaient ces offres très sérieuses et étaient bien propres à entraîner les résolutions du prince. Les insurgés avaient profité de l’éloignement des impériaux, occupés sur le Rhin, pour se fortifier dans leurs châteaux et s’établir dans toute la partie nord du pays. C’est à cette époque que Louis XIV, qui jusqu’alors s’était borné à envoyer de l’argent et des armes aux mécontens de Hongrie, se déterminait à entrer en négociation directe avec eux. Il ne fit pas moins pour la Transylvanie ; un ministre habile, M. Akakia, ancien secrétaire du comte d’Avaux au congrès de Munster, fut envoyé à Clausenbourg (1676). Il y fut reçu par le prince transylvain avec des honneurs extraordinaires. Cette ambassade à un petit prince électif et vassal de la Porte avait dû coûter quelque chose à la fierté du grand roi. On voit d’ailleurs Louis XIV continuellement préoccupé dans ses lettres de bien expliquer à ses agens qu’il ne prétend point secourir des sujets révoltés, mais se porter défenseur de l’ancienne constitution de leur pays vis-à-vis du gouvernement impérial : il fait rédiger des mémoires pour justifier à ses propres yeux cette distinction subtile ; il n’admet pas que les insurgés puissent se donner un autre souverain ; enfin, avant d’accréditer des ministres publics auprès de leurs chefs, on le voit assembler un conseil de conscience et lui soumettre les difficultés et les scrupules de son esprit. Depuis, on y a mis moins de façons.

Le 16 janvier 1677, le marquis de Béthune, ambassadeur à Varsovie, reçut les pouvoirs nécessaires pour signer avec le prince Apàfy un traité d’alliance contre l’empereur. Le nombre des troupes à fournir