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de bêtes perdues ou trouvées, et souvent ce n’est pas le premier voleur qui gagne le plus à ces rapides mutations de propriété. Les Valaques supportent d’ailleurs les châtimens avec une fermeté qui semble tenir autant de l’insensibilité des organes que du courage. Ils couchent le plus souvent dehors, même en hiver, vêtus de simple toile ; sur cet habit, les plus aisés jettent une peau de mouton, et alors ils ne la quittent pas même en été. De cette vie dure et nomade des pâtres valaques, de ces larcins habituels, il n’y a pas loin au brigandage des grands chemins et à la révolte contre leurs maîtres. En 1784, les Valaques, conduits par un gardien de bœufs nommé Horâ, organisèrent une espèce de jacquerie ; ils incendiaient les châteaux, égorgeaient des familles entières de seigneurs, et proclamaient la communauté universelle. Les Transylvains reprochent à Joseph II d’avoir laissé long-temps sans répression ces brigands, complices, disent-ils, de ses projets de nivellement et d’égalité révolutionnaire. Les nations unies levèrent des corps francs qui marchèrent contre les Valaques, et en firent un grand carnage. Horâ périt par le feu, et de cruels supplices mirent fin à cette guerre servile.

Les Arméniens et les Grecs sont en trop petit nombre pour que nous entrions sur eux dans beaucoup de détails. Les Arméniens habitent les villes manufacturières de Szamosujvhar et d’Ebesfalva, dans les comitats hongrois ; ils ont fini par obtenir d’envoyer un député à la diète, comme habitans du comitat. Les Grecs font une partie considérable du commerce de la Transylvanie. Ils sont organisés en une corporation présidée par un juge particulier et paient une contribution spéciale. Ils résident en général dans les villes, où ils trouvent plus de débit pour leurs marchandises ; ils portent la longue robe orientale ou la veste albanaise. Les Juifs sont à peine tolérés dans la principauté ; il ne leur est permis de résider que dans la ville de Carlsbourg. Ils ne doivent pratiquer qu’à certains jours les cérémonies de leur culte. Ils ne peuvent acquérir aucune propriété ; il leur est défendu de porter des habits hongrois ou l’uniforme militaire, sous peine d’une forte amende. S’ils travaillent le dimanche, on confisque les instrumens de leur travail. Cet état de demi-tolérance a été précédé de dures et longues persécutions. Les Turcs, les catholiques et les protestans ne s’entendaient que sur un point la haine commune des Juifs. Aussi se sont-ils moins multipliés qu’en Pologne et même en Hongrie.

Il me reste à dire quelques mots de ces races mystérieuses et avilies qui s’éteignent peu à peu dans la civilisation européenne, mais qui sont restées, en Transylvanie, dans toute leur bizarrerie primitive : je veux parler des Zyngares ou Bohémiens. C’est en Espagne et en Transylvanie qu’on les trouve aujourd’hui en plus grand nombre. Dans ce dernier pays, leur vie nomade, leurs professions ambulantes, les multiplient