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resteriez chargé de ces notes. Vous avez six mois pour les achever ; mais il faudroit qu’on pût, dans trois mois, en imprimer près de la moitié. On les placera à la fin de chaque volume. Il vous écrira incessamment pour vous expliquer le caractère et les dimensions qu’il leur désire. Je crois qu’il auroit mieux valu vous en laisser le maître ; mais le travail que l’abbé Delille a déjà fait sur les trois premiers chants exige une certaine conformité dont on ne peut guère se dispenser. Vous pourrez juger de tout cela par les explications de Michaud et par la besogne de l’abbé qu’on vous enverra. Quant à ses vers, ils vous sont inutiles, dit Michaud, parce que, l’abbé Delille ayant fait des notes sur Virgile et non sur lui-même, son continuateur doit suivre le même procédé. Cette raison est de Michaud lui-même. Il tient beaucoup à ces notes, et y tient d’autant plus, qu’il les considère comme un ouvrage qui pourrait s’imprimer à part, et il a peut-être l’intention d’en faire ce surcroît d’emploi. En ce cas, il faudroit en hausser le prix.

« Michaud est convaincu, ou du moins s’est laissé convaincre, que vous pouviez faire cet ouvrage partout ; mais il croit nécessaire avec raison, 1° que dans un mois, ou à peu près, vous vinssiez (sic) prendre de Fontanes les remarques qu’il a l’intention de mettre à votre disposition ; 2° que dans deux ou trois mois vous vinssiez surveiller vous-même l’impression de votre travail. Je pense que vous devez accepter la première condition, parce que certainement vous n’arracherez rien à Fontanes que de vive voix, et la deuxième parce qu’il vous importe que l’imprimeur ne gâte pas votre style et vos pensées. Je sens que, pour exécuter ce plan, il est nécessaire qu’on mette en votre pouvoir ce que j’appelle la faculté d’aller et de venir en temps utile, et qu’il faut pour cela un petit supplément de conditions dont je parlerai à Fontanes, et peut-être même à Michaud, selon les occurrences et les conseils que pourra me donner la réflexion. Je me hâte de vous faire part de ces premiers préliminaires, afin surtout que vous disposiez sur-le-champ votre esprit aux opérations qu’on demande de lui, et auxquelles nous nous obstinons tous à le croire singulièrement propre.

« Je vous déclare que Michaud lui-même, qui a pensé à toute la terre avant de s’arrêter à vous, ne voit personne dans le monde qui lui paroisse aussi capable et aussi prêt pour ce qu’il désire de vous. Il faut absolument montrer de la condescendance. Vous nous ferez plaisir à tous, et vous finirez par vous en faire beaucoup à vous-même. Si votre réponse peut me parvenir d’ici à dimanche, adressez-la ici. Nous pourrions bien ne partir que lundi. Donnez-nous avant tout des nouvelles de votre santé. Il n’y a rien de nouveau depuis avant-hier dans notre petite société. Vous êtes parti hier dimanche ; je vous écris aujourd’hui lundi ; on ne peut pas aller plus vite. Mais il est tard, et j’ai peur que ma lettre ne puisse pas partir sur-le-champ. Il fait tellement chaud, que ma plume en a les jambes écartées d’une manière épouvantable ; elle écrit horrido rictu. Tâchez de déchiffrer ces caractères mal formés, car je n’ai pas le temps de la tailler, et d’ailleurs ce seroit très inutile.

On voit les champs poudreux se sécher et se fendre.

Les plumes se fendent aussi, et le style même en est plus sec. Ainsi donc, je vous dirai très sèchement : Portez-vous mieux, portez-vous bien.

J. »