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blicains : de républicains, il n’y a que nous ; nous sommes assez peu nombreux pour être bien connus : électeurs, nommez-nous. — Nous avons été témoins du beau succès de cette prétention. La même chose s’était passée aussi en 1815 pour les ultras du temps. Je lisais dernièrement un curieux livre sur cette époque, l’Histoire de la session de 1815, de M. Fiévée. Cet écrivain doit être peu suspect, j’imagine, aux royalistes ; il faut voir pourtant avec quelle finesse il se raille de ces braves, émigrés se disputant entre eux l’honneur d’avoir quitté la France les premiers et d’y être rentrés les derniers. Il semblait que la restauration fût leur bien, leur chose. Combien de temps elle leur appartint, on l’a vu. C’est que, dans la situation politique et morale où se trouve la France depuis soixante ans, ce que les partis exclusifs, absolus, regardent comme un privilège, est, au contraire, un de leurs torts aux yeux de la masse de la nation. La majorité de la France a certains sentimens, certaines tendances, certaines humeurs, certains préjugés, si l’on veut, mais elle n’est enrôlée à aucun parti absolu : elle n’est ni républicaine, ni légitimiste. Elle redoute même les partis exclusifs, parce que ces partis, prétendant la régir au nom d’un principe absolu, ont l’air, au jour de leur triomphe, de la vouloir traiter comme leur conquête.

Bien loin donc de regarder ce qu’ils appellent leur principe comme un avantage qui les rend arbitres de l’avenir, les légitimistes soulèveraient moins de défiances, s’ils en faisaient moins ostentation. Qu’ils n’espèrent pas l’imposer de haute lutte, comme une de ces nécessités qui révoltent toujours la fierté du peuple obligé de les subir par la trahison des événemens. Pour que la Providence réserve un jour dans l’avenir aux principes légitimistes, il faut que les hommes de ce parti y aient préparé l’opinion du pays par un large esprit de conciliation, par une alliance sans réticence et sans arrière-pensée avec tous les partis dévoués au maintien de l’ordre. Parce que la révolution de février a un moment dispersé les intérêts, les opinions, les hommes qui s’étaient groupés autour du gouvernement de 1830, qu’ils ne s’imaginent point que l’œuvre de ces dix-huit années soit abolie dans la conscience et dans l’ame du pays. Après les surprises révolutionnaires, après les essais nouveaux, il viendra un jour, nous vous le prédisons infailliblement, où le règne de Louis-Philippe réveillera en France des regrets avec des souvenirs. On se souviendra de ces dix-huit années de vie libre, de mœurs douces, de travail prospère et de progrès pacifiques ; on se souviendra des hommes qui consacrèrent leur courage, leur talent et leur vie à faire à la France ces courtes années de bonheur ; on se souviendra surtout de cette famille royale si vaillante et si patriotique dans ses jeunes princes, si charitable, si vertueuse, si pieuse dans ses princesses ; on se souviendra aussi de celui que, dans