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qui s’est élevé ici à l’occasion de cette même lettre. Il est des républicains qui ne trouvent pas inconséquent d’appliquer à la république tout le rituel de la monarchie. Puisque le président est responsable, il agit comme il l’entend puisque les ministres ont aussi leur responsabilité, ils se défendent comme ils peuvent. Le président n’a pas à les consulter quand il lui plaît d’aller de son chef ; ils sont bien libres de le contredire quand il ne leur plaît ni de le suivre ni de faire contre fortune bon cœur. Que tout cet ordre soit la perfection de la perfection, nous ne le soutiendrons pas ; nous ne savons qu’une chose : ainsi le veut la constitution de 1848 ! et cela suffit à notre impartialité pour ne point accuser mal à propos les hauts fonctionnaires qui la pratiquent si complètement. Il est seulement une observation que nous ne pouvons nous empêcher de présenter. La constitution de 1848 n’a pas interdit plus qu’une autre aux membres du cabinet de se mettre d’accord à huis-clos ; nous regrettons qu’ils ne profitent pas de la permission. Il va sans dire qu’on ne peut point toujours s’entendre avec ses collègues, mais est-il bien à propos de se le déclarer dans le Moniteur avec une réciprocité si exacte ? Chacun couvre ainsi son honneur devant sa coterie, mais il découvre son parti tout entier, le grand parti de l’ordre, devant l’ennemi commun.

Pendant que Paris était préoccupé de ces questions intimes, la province tenaît publiquement ses nouvelles assises politiques. Tel est en effet le caractère que les circonstances devaient presque inévitablement imprimer aux délibérations des conseils-généraux, les circonstances, disons-nous, beaucoup plus encore que les tendances très marquées ou très universelles des honorables représentans de la pensée départementale. Ce n’étaient certes pas les encouragemens qui leur avaient manque pour s’ériger, chacun chez soi, en constituans au petit pied. Ce temps-ci est tout-à-fait propice aux esprits à outrance Comme il ne reste guère de règle très évidente en matière de conduite, puisque les conduites les plus extraordinaires n’en aboutissent quelquefois pas plus mal, il paraît presque aussi sage de suivre sa passion que d’appliquer une règle, Puis, comme personne ne saurait prévoir même à peu près ce que sera le lendemain, l’un est fort à son aise pour ne s’en point occuper du tout, et l’on pousse sa pointe au jour le jour, sans se soucier des embarras, qu’on peut se créer dans l’avenir, du moment où l’on a réussi à s’arranger une satisfaction dans le présent. Il est donc des gens qui, à force de s’irriter contre les brusques mouvemens de la capitale et de chercher à sa prépondérance révolutionnaire des contrepoids modérateurs, n’avaient rien trouvé de mieux que de provoquer un retour offensif des provinces sur Paris et de soulever partout l’agitation qu’ils détestaient là. Le motif était d’ailleurs bien choisi, et le grief au nom duquel on conviait les départemens à cette levée de boucliers est un grief très sérieux. La France jouit d’une constitution en beaucoup d’articles qui ne lui plaisent pas tous ; mais il en est un en revanche qui lui plaît infiniment : c’est celui par lequel la constitution déclare elle-même qu’on la pourra changer. Cet article a fait des fanatiques, et nous le concevons bien. Révisons tout de suite, puisque nous devons à la fin réviser et puisque nous ne sommes pas encore à notre goût, pourquoi tarder davantage à nous y mettre ? Voilà des argumens qui ont de la valeur, et nous avouons que pour notre part ils nous touchent.

Le moyen seulement de les imposer ? Là-dessus nous tirons le chapeau à notre souverain maître le hasard, confessant humblement que c’est là sa be-