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les murs de Rome, après l’échec du 30 avril, avait été d’un effet très heureux ; il a voulu, cette fois, encourager, non plus les soldats, mais les diplomates. Le tort qu’il a eu, a été de s’y prendre avec les uns comme avec les autres. On n’est pas obligé d’être le vainqueur de Lodi pour dire aux gens : Battez-vous bien ; mais il est plus délicat de prendre trop vite le ton du négociateur de Campo-Formio. Nous reconnaissons le juste ascendant, l’utile emploi des souvenirs héréditaires ; le tout est de les placer à propos.

Sérieusement, ou ne saurait disconvenir que la lettre du président n’ait répondu à un premier mouvement de la pensée publique. Non, nous ne pouvons pas vouloir ce que nous n’avons voulu à aucune, époque depuis dix-huit ans : nous avons poursuivi jusqu’à Rome le radicalisme qui nous menaçait hier chez nous ; ce n’est pas pour y relever l’absolutisme qui s’installerait demain sur nos frontières. Tout le monde sent cela en France d’une manière plus ou moins vive, et la vivacité même du petit message présidentiel flattait assez agréablement une disposition très générale. Nous en demandons bien pardon aux zélés ultra-montains, la détresse du pape qui nous touchait beaucoup nous était cependant peut-être moins sensible que le triomphe de la démagogie romaine : de même la restauration du pape ne nous éblouit pas au point de nous fermer les yeux sur les inconvéniens qu’une administration trop justement décriée ramènerait avec lui. Les triumvirs de la vieille Italie ne nous agréent pas plus que ceux de la jeune. Est-ce à dire qu’il faille tout de suite enfermer le saint-père dans le cercle impérieux de la lettre du 18 août et résumer pour lui son gouvernement dans une note confidentielle dressée tout exprès à l’indiscrétion d’un colonel d’état-major ? Ce serait beaucoup hasarder que de trouver là un excellent procédé de conciliation ; c’est de la diplomatie éperonnée et qui lève un peu trop la cravache. Le successeur du général Oudinot, le général Rostolan, avait à porter le poids de la difficulté qu’on ajoutait si bravement à tant d’autre dans la louable pensée de les écarter toutes en un tour de main. Le général en était, depuis quelque temps, à compter les visites avec les triumvirs, il a vu qu’elles allaient du coup devenir ou plus rares encore ou plus fâcheuses : il a demandé qu’on lui épargnât le reste et qu’on le rappelât. Il semble cependant, d’après les plus récentes nouvelles, que cet accident n’a pas eu et n’aura pas au dehors les suites fâcheuses qu’il était de nature à provoquer. Une mise en demeure aussi directe pouvait offenser assez péniblement le gouvernement pontifical pour interrompre tout-à-fait des relations déjà malaisées ; il aurait au contraire été décidé, dans un dernier conseil de cardinaux à Gaëte, que le caractère officieux de cette lettre serait tenu pour une raison suffisante de ne la point relever comme un grief. Nous ne voyons pas de mal à ce que les choses s’arrangent de la sorte, et des concessions émanées du bon vouloir de Pie IX auront toujours meilleur air que si l’on prétendait les lui arracher. Telle n’a jamais été nous en sommes sûrs, l’intention du président de la république ; il n’aurait point écrit de manière à ce qu’on eût pu seulement la lui prêter, si la politique romaine n’avait trompé trop d’espérances Dépouillé de son importance officielle, ce document aura donc toujours été là-bas un avertissement utile ; mais il ne faudrait pas que, pour en donner de pareils, le chef de l’état se familiarisât ainsi trop souvent avec la publicité : Il finirait par y perdre, même en commençant par y gagner.

Nous ne voulons pas entrer bien longuement dans le débat constitutionnel