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REVUE DES DEUX MONDES.

avoir encore autre chose à faire. Il ne serait bon dans aucun temps, il ne serait pas bon aujourd’hui surtout qu’il appliquât exclusivement sa pensée aux exigences de l’ordre public. Le mal dont nous souffrons a des racines plus profondes. La société ne demande pas seulement à être défendue, elle veut encore après les avoir vaincus, persuader ses adversaires, et elle ouvre les bras à des améliorations qui l’épurent et l’agrandissent sans l’ébranler.

Le ministre de l’intérieur doit prendre au besoin l’initiative d’une propagande habilement et fortement dirigée contre les doctrines anarchiques : C’est à lui de faire pénétrer, dans les campagnes comme dans les profondeurs des villes, ces principes du droit naturel qui sont comme l’évangile de la civilisation doit ramener les esprits égarés, aussi bien que terrifier les mauvaises passions et appeler au secours du gouvernement toutes les ressources de l’intelligence aussi bien que toutes les puissances de la volonté. Il faut que le gouvernement fasse aujourd’hui pour l’esprit public ce que Napoléon fit, au commencement du siècle, pour les lois civiles, en proclamant bien haut et en propageant partout les données du bon sens.

Le ministre de l’intérieur est, par le côté de la police et de la force employée à la répression, le ministre de la résistance ; il doit apparaître, au revers de cette médaille, et plus spécialement qu’aucun de ses collègues, le ministre réformateur.

Tout n’est pas mal dans ce monde, mais tout n’est pas bien non plus. Quand le gouvernement se charge des réformes, il en résulte un progrès ; quand ce sont les partis, ils ne peuvent que renverser et détruire. Cette vue d’ensemble, qui est le privilège du pouvoir, permet seule de discerner le vrai du faux et de fonder sur des bases durables un avenir meilleur. Le ministère qui touche de plus près aux misères de la société est l’instrument naturel des changemens que notre état social réclame. Conservons-lui précieusement ce caractère et gardons-nous d’exhumer, après la révolution de 1848, des combinaisons administratives dont le moindre inconvénient serait de rappeler des scandales qui font tache dans l’histoire et qui ne répondraient à aucune des nécessités du moment.

LÉON FAUCHER.

Martres (Haute-Garonne), 23 juin 1849.



V. de Mars.