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III

La révolution de Vienne éclata au mois de mars 1848. Elle rompait le seul lien qui réunissait ces nations rivales et contenait le soulèvement des populations ameutées les unes contre les autres. Le pouvoir de l’empereur résidait au loin ; la constitution, quand on la pratiquait, le réduisait à l’impuissance. L’empereur existait cependant et apparaissait dans une sphère supérieure, au-dessous de laquelle se livraient les combats ; il ne faut pas oublier que la plupart des révoltes en Hongrie et en Transylvanie jusqu’à celle-ci avaient toujours respecté le nom et la personne du souverain. On lui faisait la guerre, mais au nom de la constitution ; les insurgés étaient prêts à rentrer dans l’obéissance, s’il était fait droit à leurs griefs ; sans cesse ils en appelaient à Philippe mieux informé. C’était toujours l’opposition dynastique, même quand elle tirait des coups de canon, et la porte restait ouverte aux accommodemens.

Le mouvement que la révolution fit éclater dépassa bien vits les limites ordinaires des anciennes révoltes. Il eut aussi un autre caractère ; la haine fut moins contre le maître commun qu’entre les nationalités diverses, qui, croyant déjà avoir secoué le joug, combattirent plus pour saisir l’empire que pour défendre la liberté. Les unes voulaient maintenir leur domination, — les autres, prendre une revanche longtemps différée. Chaque peuple avait ses titres de gloire que les discours de la tribune et les journaux lui rappelaient sans cesse. Ces excitations devaient produire leur effet. On a souvent reproché à la chaire chrétienne d’avoir, dans ses oraisons funèbres, des éloges trop pompeux et des flatteries trop directes pour les illustres morts ; au moins réserve-t-elle son encens pour des gens qui ne peuvent plus en être enivrés : quelle discrétion cependant et quelle sobriété à côté de ces admirations universelles que la tribune politique décerne aujourd’hui à tous les peuples ! C’est toujours et partout :

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre ;

si bien qu’on ne sait plus ou se sont cachés les vaincus !

En Transylvanie, la presse périodique s’était mêlée, dans les dernières années, aux rivalités nationales de la diète. Il y avait des journaux allemands, des journaux hongrois, des journaux valaques ; ils remplissaient chacun vis-à-vis de sa nation, le rôle d’agens provocateurs. Jamais les haines de races n’avaient été plus vives. La Transylvanie, au lieu d’aspirer, comme elle l’eût pu faire il y a un siècle, à se séparer de l’empire et à se constituer en état indépendant, sembla arrivée au terme de son existence ; il y eut une dislocation universelle Chaque nation suivit la pente sur laquelle l’avaient placée son origine, ses antécédens, sa langue ; les Hongrois et les Széklers se tournèrent