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En 1680, Vauban revint sur ces considérations et insista surtout sur les avantages maritimes de l’établissement proposé. « Il faut de nécessité ; dit-il, que la mer s’en mêle ; si l’on veut faire quelque chose de considérable, et qu’elle s’en mêle puissamment… Sans un port sous les Pyrénées correspondant avec celui de la région des Alpes, le roi ne peut jamais être maître de la Méditerranée. »

Treize ans après[1], il amendait, avec la constance et la sollicitude de l’avenir qui ne l’abandonnèrent jamais, ces projets délaissés pour des entreprises dont quelques-unes pèsent péniblement sur la mémoire de Louis XIV ; mais il n’en pressait plus l’exécution, et des intérêts plus élevés lui dictaient de douloureuses représentations sur l’objet de ses propres vœux. « Il ne faut, disait-il en rappelant le déplorable état des finances, entreprendre Port-Vendres qu’avec certitude de l’achever. En temps de paix, je serois pour cet ouvrage par préférence à tout autre du royaume ; mais, dans un temps nécessiteux comme celui-ci, où toutes les places de la frontière sont extrêmement défectueuses, n’y en ayant pas une qui soit achevée à beaucoup près et qui ne puisse être attaquée l’année même où nous sommes, je ne puis consentir qu’avec répugnance, à un commencement d’ouvrage qui nous fera bien sûrement en petit ce que Maintenon nous a fait en grand[2]. »

Néanmoins cette idée de Port-Vendres ne le quittait pas : « La paix, écrivait-il bientôt après, nous mettra en commodité de faire là l’une des meilleures places et l’un des plus jolis ports de la Méditerranée[3].

Ces projets sont long-temps restés ensevelis dans les archives de la guerre : quelques officiers du génie les en exhumaient par intervalles ; mais le stérile et le brillant ayant toujours dans notre pays le pas sur l’utile et le fécond, Port-Vendres demeurait délaissé. Deux gouverneurs du Roussillon, dont les noms lui sont restés chers ; le maréchal de Noailles et le maréchal de Mailly, furent, sous le règne de Louis XV, les seuls à se souvenir des recommandations de Vauban : le second fit faire à Port-Vendres des travaux considérables ; mais son intelligence ne valait pas ses intentions. À peine eut-il établi un quai, que s’attaquant aux choses par lesquelles il aurait tout au plus été permis de finir, il consuma en embellissemens puérils des ressources avec lesquelles un autre eût recreusé tout le port. L’attention ne s’est fructueusement reportée que depuis peu sur Port-Vendres. Une loi du 19 juillet 1845 a consacré à l’exécution de projets calqués, à de très

  1. Lettre de Nice, le 24 janvier 1693.
  2. Lettre de Toulon, le 26 février 1693. Il est bien entendu que c’était de l’aqueduc et non pas de Mme de Maintenon qu’il parlait ainsi.
  3. Lettre de Lille, le 6 août 1693.