Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
REVUE DES DEUX MONDES.

VALENTIN.

N’attends plus tes consolations que du ciel. C’est là maintenant que ma mère prie pour toi et te bénit.

EULALIE.

Elle est morte !

VALENTIN.

Morte assassinée, près de mon père assassiné, dans sa maison pillée et détruite par le feu !

Mme  DUPUIS.

Ah ! mon Dieu !

DENIS DUPUIS.

Pauvre Valentin !

JEAN DUPUIS.

C’est impossible !

VALENTIN.

Je n’ai pu retrouver leurs corps. Il ne me restera pas même un tombeau.

JEAN DUPUIS.

La ville est donc au pillage ?

VALENTIN.

À peu près. Il y a en ce moment vingt incendies.

M.  DELORME.

Quel malheur !

JEAN DUPUIS.

Adieu.

DENIS DUPUIS.

Où vas-tu, mon frère ?

JEAN DUPUIS.

Je vais mourir sur les ruines de ma propriété.

DENIS DUPUIS.

Mais…

JEAN DUPUIS.

Ne me retiens pas.

(Il repousse son frère et sort.)
M.  DELORME.

Monsieur Dupuis, monsieur Dupuis, n’oubliez pas de prendre du ruban rouge.

(Il sort.)

X.

VALENTIN. Nous n’avons pas un moment à perdre, écoutez-moi. Eulalie, dans ces tristes momens dont tu te souviens, quand nous cherchions d’avance à élever nos cœurs au-dessus des périls que je prévoyais, je n’ai rien imaginé d’épouvantable et d’affreux que l’événement ne dépasse déjà. Tout s’écroule, la société succombe ; elle est pleinement au pouvoir des scélérats et des fous. Il n’y a plus de pouvoir, plus de lois, plus de force, plus de raison qui se fasse écouter ; mais, quand le monde entier courberait la tête honteusement sous l’empire de ces monstres, moi je ne la courberai pas. Ils pourraient m’offrir la paix quelque part dans un asile respecté de leurs fureurs, la paix et toi, et vous tous, ils me ren-