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que l’état agit pour tout le monde, et cela donne à l’action publique beaucoup de langueur et de négligence. L’état, pour accomplir la part de charité qui lui est déléguée, doit beaucoup surveiller et peu agir.

Nous venons de résumer les principes de bienfaisance que professe l’assemblée législative, et ce sont les bons, nous en sommes convaincus. Elle ne veut pas se substituer à Dieu, ce qui est le fait du Mathieu Garot de La Fontaine. Il est vrai que, dans La Fontaine, Mathieu Garot n’argumente que de la citrouille et du chêne. Depuis ce temps, Mathieu Garot est devenu ambitieux ; il argumente sur toute la création, et il prouve au bon Dieu que la nature morale et la nature matérielle sont à réformer. L’assemblée législative ne veut pas non plus se substituer au travail, ce qui pousse à des 24 juin, ni à l’individu, ce qui détruit la véritable source de la force sociale et ce qui met la vie mécanique à la place de la vie naturelle, ni à la famille, ce qui détruit la force morale. Elle ne veut donc faire par l’état que ce que l’individu, et la famille ne peuvent pas faire. L’état sera un aide, il ne sera jamais un remplaçant.

MM. Dufaure, Gustave de Beaumont, Denis Benoit et de Melun ont énergiquement soutenu ces principes fondamentaux de la vraie bienfaisance publique. Ils ont ouvert une nouvelle phase dans l’histoire de la bienfaisance publique ; mais surtout ils ont clos la vieille phase, la phase qui a commencé, le 25 février 1848, par les conférences du Luxembourg, et qui a fini par les journées de juin. Nous disions il y a quinze jours, à propos des affaires étrangères, qu’il fallait que la phase démagogique fût partout finie pour que commençât la phase libérale. Nous dirons aussi, à propos de la bienfaisance publique, que la phase démagogique doit être tout-à-fait finie pour que la phase libérale puisse commencer.

Comme nous ne nous piquons pas d’être des annalistes exacts de la quinzaine, nous omettons beaucoup de choses de propos délibéré ; mais nous en rappelons aussi quelques-unes qui, quoique peu importantes au premier coup d’œil, nous semblent caractériser d’une manière curieuse la marche des esprits dans les divers partis qui divisent la société.

Le parti montagnard nous semble marcher vers le discrédit, et nous nous en applaudissons. Discrédit dans ses chefs réfugiés : croyez-vous, par exemple, que le récit de la séance des Arts-et-Métiers que M. Considérant a cru devoir envoyer de Bruxelles soit bien propre à réhabiliter les chefs montagnards ? Quelques personnes avaient pu croire que, dans cette séance, il s’était pris des résolutions énergiques et terribles. M Considérant tient beaucoup à redresser cette erreur, dans cette séance des Arts-et-Métiers, les montagnards n’ont rien fait : ils allaient, ils venaient. « On allait surtout au-devant des survenans pour avoir des nouvelles ; on attendait toujours, et les gardes nationaux de la manifestation ne venaient pas. Pendant les vingt-cinq minutes que nous passâmes là avant l’invasion des troupes, ce fut à peu près la scène de ma sœur Anne. »

Ce que c’est, pour une révolution, que de n’avoir pas réussi ! Comme cela l’aplatit et la rapetisse dans la bouche même de ceux qui l’entreprenaient ! Qu’a-t-il manqué, en effet, à la révolution du 13 juin, pour être grande, solennelle, énergique, pompeuse ? pour être l’acte d’un peuple entier revendiquant sa liberté ? pour revêtir enfin le protocole de ses devancières ? Que lui