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c’était pour délivrer l’Allemagne du joug de la Russie que M. Struve allait en guerre, et ses corps francs étaient un ramassis de réfugiés italiens, suisses, français, vengeurs désintéressés de l’unité et de la liberté allemandes. M. Struve espérait bien, il est vrai, que tout le duché de Bade allait se soulever à sa voix, et qu’il n’y aurait pas seulement des aventuriers, étrangers dans les rangs de cette expédition nationale. Pour atteindre ce but, le Moniteur de Lörrach publiait une série de décrets qui devaient attacher les gens de la campagne à la cause de la révolution. Détruire les dîmes, les corvées, les redevances féodales, ce n’était rien pour M. Struve, cette réforme profitant surtout aux petits propriétaires ; il fallait faire descendre plus bas les bienfaits du gouvernement insurrectionnel, il fallait, par de criminelles promesses, exciter le pauvre contre le riche, le serviteur contre le maître, le débiteur contre le créancier, et instituer l’anarchie ; tel était le sens des décrets de M. Struve. Ceux à qui ces encouragemens ne suffisaient pas pouvaient lire la menace à côté. Tous les citoyens de dix-huit ans à cinquante recevaient l’ordre de s’enrôler immédiatement sous les drapeaux de l’insurrection, et la loi martiale était proclamée. Chacun de ces décrets portait cette épigraphe : « Bien-être, instruction et liberté pour tous ! » Ils étaient signés ainsi : « Au nom du gouvernement provisoire, Gustave Struve ; le secrétaire, Charles Blind. » Les actes répondaient aux paroles ; ce fut, pendant quelques jours, une véritable razzia démagogique. Ces razzias durent cesser dès que les corps francs furent en face de l’ennemi. Le 24 septembre, le général Hoffmann, ministre de la guerre dans le duché de Bade, les attaqua entre Staufen et Heitersheim et les mit en déroute au premier choc. Ils se replièrent tumultueusement sur Staufen et élevèrent des barricades. Poursuivis par l’armée badoise, ils se défendirent de rue en rue avec assez de vigueur ; bientôt cependant Staufen était au pouvoir de la troupe, et un escadron de cavalerie conduisait à Fribourg une centaine de prisonniers. Aussitôt le gouvernement provisoire de Lörrach se réfugia sur le territoire de Bâle, et M. Struve, qui avait réussi à s’enfuir, fut arrêté le lendemain à Schopfheim.

Il n’était aussi facile de vaincre la démagogie prussienne. Depuis les événemens du 17 mars, Berlin offrait le plus triste spectacle ; les clubs étaient maîtres de la ville ; on s’y croyait sans cesse à la veille d’une révolution nouvelle, ou plutôt la révolution y était permanente. Privée des brillans orateurs, des solides esprits de la diète de 1847, envoyés presque tous à Francfort, l’assemblée constituante du royaume de Prusse ne se signalait que par sa violence. Était-elle sous le joug de la terreur populaire ? Cherchait-elle à dominer le parlement de Francfort par la fougue démocratique, ne pouvant l’égaler par le talent ? Les deux motifs peut-être sont également exacts. La vérité est qu’une poignée