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cette prétention, très hautement annoncée, et dont le succès ne semblait pas impossible, qui irritait l’orgueil allemand. L’Autriche avait reçu pour mission, depuis plusieurs siècles déjà, d’éteindre l’esprit étranger dans ses provinces slaves et d’y faire triompher la culture germanique. Loin d’accomplir cette tâche, c’était elle qui menaçait d’être absorbée par une race ennemie : les teutomanes la punissaient en détruisant sa puissance, cette puissance dont elle n’avait pas su faire un usage intelligent, disaient-ils, et qui désormais n’était plus qu’un danger pour l’Allemagne. Ils semblaient aussi par là prévoir comme infaillible la victoire des Slaves, et, en retenant l’Autriche proprement dite, ils leur enlevaient d’avance une part de la conquête. Un troisième motif enfin, motif secret peut-être, avait inspiré à la phalange de M. Dahlmann cette résolution étrange. M. Dahlmann était de ceux qui voulaient voir dans les mains de la Prusse les destinées de l’empire. Or, une Autriche démembrée, une Autriche réduite à ses possessions allemandes, pouvait-elle rivaliser désormais avec la maison de Hohenzollern ?

La discussion fut longue et solennelle. Il était impossible de soumettre au parlement un problème plus grave, de lui demander une décision qui renfermât plus de périls. L’assemblée était en proie à mille émotions contraires. Ceux-ci, aveuglés déjà par leur système, s’exaltaient encore comme à la veille d’un coup d’état ; ceux-là se préparaient à une vigoureuse résistance. D’autres, avec la consciencieuse gravité de l’esprit allemand, hésitaient entre les deux partis, et résumaient la question en ces termes : « Vaut-il mieux pour l’empire une Autriche démembrée, mais qui lui appartienne tout entière ? ou bien, ne faut-il pas préférer une Autriche unie à l’Allemagne par des biens moins fermes, si cette Autriche est forte, si sa puissance est solidement assise, et qu’elle puisse nous honorer et nous servir ? » Et ils auraient incliné, en effet, vers cette dernière opinion, sans la crainte de voir ces forces de l’Autriche leur échapper, absorbées par une jeune force dont les destinées commencent. Ajoutez, chez un grand nombre, les passions, les préjugés, les rancunes, et toujours, au-dessus de tous les motifs, ce grand mot de l’unité, qui, commenté diversement et appliqué en sens contraires, augmentait la confusion générale. Le premier orateur qui monte à la tribune est un Autrichien, un membre du centre droit, M. Fritsch. M. Fritsch est un esprit sensé, il a vu tout le péril et il le signale ; cette loi, dit-il, ne sera rien ou elle sera la dislocation de l’Autriche. Malheureusement M. Fritsch n’est pas orateur, et l’assemblée est trop émue pour suivre long-temps cette froide et indécise parole. M. Eisenmann, qui lui succède, exprime assez bien la situation d’une partie de ses collègues ; il raconte son émotion profonde au sujet des deux paragraphes, il ouvre naïvement son cœur, il est