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(de Breslau). La majorité enfin, d’accord avec la gauche pour exiger le changement du ministère, émet simplement le vœu que l’assemblée soit rappelée de Brandebourg à Berlin aussitôt que la situation le permettra. M. Biedermann, M. Welcker et M. de Beckerath font triompher cette opinion, adoptée par 239 voix contre 189. À la fin de cette même séance du 14 novembre, le bruit de la mort de Robert Blum fusillé à Vienne par l’ordre du prince Windischgraetz met tous les esprits en émoi. M. Simon (de Trèves) adresse des interpellations au ministère de l’empire, et, déclarant que l’exécution d’un membre du parlement doit être considérée comme un meurtre, il somme le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour le châtiment des coupables. M. Robert Mohl, ministre de la justice, répond que deux membres de l’assemblée nationale viennent de partir immédiatement pour Vienne, chargés d’instructions spéciales ; il convient d’attendre leur rapport ; les deux délégués sauront défendre les droits du parlement, et prendre sous leur protection les représentans qui se trouvent encore en Autriche. Du reste, la proposition de M. Simon (de Trêves) est renvoyée à un comité spécial. Deux jours après, à la séance du 16, M. Kirchgessner, rapporteur du comité, lit ses conclusions à la tribune ; elles se terminent ainsi : « L’assemblée nationale enjoint au ministère de prendre les plus énergiques mesures pour punir ceux qui directement ou indirectement sont responsables du meurtre de Robert Blum. » Et ce décret si grave est voté sans discussion à l’unanimité.

La mort tragique de Robert Blum ajoutait une complication nouvelle à une situation déjà pleine de troubles et de périls Que l’agitateur de Vienne, que le fougueux orateur des clubs et des barricades ait mérité un châtiment, il me paraît difficile de le hier. Je ne comprends pas davantage que Robert Blum pût se retrancher derrière son titre de député de Francfort, lui qui était venu à Vienne, non pas au nom du parlement, mais malgré sa volonté expresse, et qui certainement, par ses discours, par sa conduite, par ses allures de Danton au milieu d’une population consternée, avait mis de côté ses privilèges pour conduire plus librement la révolution. La prudence cependant ne devait-elle pas faire fléchir les rigueurs du summum jus ? Ne fallait-il pas concilier des devoirs différens, et demander à l’assemblée de Francfort l’autorisation de juger un de ses membres ? Pourrait-on même assurer qu’il n’y a eu que ce sentiment d’une inflexible justice dans l’exécution du coupable ? Oui, il faut oser le demander, n’y a-t-il pas eu là comme un défi au parlement et national, à ce parlement qui dans les § 2 et 3 de la constitution, posait en principe le démembrement de l’Autriche et consacrait d’avance par ses votes ce que les Hongrois réclamaient, par les armes ? Ainsi, de part et d’autre, les fautes s’enchaînent et se multiplient. L’attitude du parti Dahlmann, vis-à-vis de l’Autriche a amené l’exécution de Robert Blum, et cette exécution, faite au mépris du parlement