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Allemagne sera constituée, nous verrons dans quelles conditions nous devons nous unir à elle ; jusque-là, ne touchez pas à l’Autriche Ce langage altier avait causé de profondes émotions à l’église Saint. Paul. Les journaux dévoués à la Prusse attaquaient chaque jour l’Autriche avec une vivacité inouie. Le journal de M. Dahlmann particulièrement, la Gazette allemande (Deutsche Zeitung), se faisait remarquer par l’âpreté de sa polémique. Elle demandait à grands cris un nouveau ministère, un ministère mieux armé pour cette lutte ; M. de Schmerling en effet, le ministre de l’empire pour les affaires étrangères, est un député autrichien, et ce n’était pas à lui de représenter dans ce conflit la volonté souveraine du parlement. La Gazette allemande osait même s’étonner que l’archiduc Jean n’eût pas encore déposé ses pouvoirs. Il devenait urgent tout au moins de donner un successeur à M. de Schmerling. M. Henri de Gagern était l’homme d’état le plus considérable de l’assemblée, et personne assurément ne pouvait mieux, je ne dis pas résoudre ce problème, mais le débrouiller d’abord et amortir peu à peu les prétentions contraires. Ce choix, par malheur, à côté de grands avantages, offrait aussi de graves inconvéniens. Le système que M. de Gagern avait développé à la tribune pouvait sembler, à certains égards, celui-là même que le ministère Schwarzenberg venait de proclamer d’une manière si hautaine dans sa note du 27 novembre. Maintien de la monarchie autrichienne et séparation provisoire de l’Autriche et de l’Allemagne jusqu’à ce que leur union fut établie plus tard par une loi spéciale, c’est là ce qu’avait demandé M. de Gagern, et c’est ce qu’on demandait aussi à Ollmülz. Que de différences cependant ! En sauvant la monarchie autrichienne. M. de Gagern concluait qu’elle devait rester hors de la confédération germanique ; c’est à ce prix-là seulement qu’il lui permettait de ne pas se démembrer. M. le prince de Schwarzenberg au contraire, en maintenant l’unité de l’Autriche, voulait aussi maintenir son rang, c’est-à-dire sa vieille suprématie au sein de l’Allemagne. Ce n’est pas tout : cette opinion de M. de Gagern n’était pas celui du parlement ; le seul échec que M. de Gagern eût subi à l’église Saint-Paul, il l’avait subi précisément sur cette question, et c’était lui qu’on choisissait pour terminer, au nom du parlement, cette difficile affaire ! M. de Gagern allait-il apporter un programme conforme à sa première opinion, ou bien abandonnerait-il sa propre politique pour adopter le système de la majorité ? On se le demandait de toutes parts avec un étonnement inquiet. Quant à M. de Gagern, après une longue et cruelle hésitation, pressé enfin par le péril, déterminé par l’intérêt de cette assemblée nationale à laquelle il avait consacré toutes ses veilles, il prit le seul parti qui pût lui convenir : il résolut de conformer son programme à son opinion et de provoquer un vote ; la majorité déciderait s’il devait garder ou quitter son portefeuille.