Je te remercie.
La parole est au ministre de la justice.
Citoyens, à travers les difficultés inséparables d’une création, la nouvelle institution judiciaire commence à fonctionner admirablement. Je ne vous parle pas des tribunaux politiques ; leur dévouement et leur énergie sont au-dessus de tout éloge. Ils ont fait justice et ils ont tiré vengeance de tous les oppresseurs du peuple, de tous les persécuteurs de la liberté, de tous ces Cosaques en soutane, en robe et en habit brodé, qui rêvaient de s’imposer encore au genre humain. Tout a fléchi, tout s’est courbé, tout a passé sous le niveau. Le peuple voudrait des maîtres qu’il n’en trouverait plus ; la race en est anéantie ; il n’a plus d’autre maître que lui-même.
Celui-là peut suffire.
La justice civile s’organise rapidement. La grande institution du jury électif en matière civile, cette création à laquelle les plus fervens socialistes n’osaient croire, marche pour ainsi dire toute seule. Le pauvre, maintenant, n’a plus à craindre la prépondérance de la richesse et les ruses de la jurisprudence. Le bon sens et l’équité seuls prononcent et rendent sans frais leurs arrêts, dont les juges eux-mêmes, descendus de leurs sièges, assurent l’exécution. Ainsi beaucoup de pauvres injustement dépossédés sont rentrés dans les biens qu’on leur avait ravis de temps immémorial.
Et ceux qui les possédaient de temps immémorial en ont été dépouillés.
Non ; ils les ont restitués, après en avoir dix fois et vingt fois reçu le prix des pauvres qui les ont si long-temps cultivés pour eux… Je m’étonne que l’on conteste la justice de cette opération. Dans mes discours, dans mes écrits, dans mon journal, ne l’ai-je pas vingt et cent fois indiquée comme le vœu du peuple et le besoin même de la conscience publique ? C’est alors qu’il fallait réclamer ; mais alors on voulait conquérir la popularité socialiste, et on se taisait.
Tu as raison. Honte et malheur à ceux qui se sont tus lorsqu’il fallait parler !
Honte et malheur à toi, car tu n’as pas parlé !
Oui, honte et malheur à moi !
Ainsi tu renies le socialisme ?
Je renie le brigandage.
Tu mérites la mort.