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réconciliation de l’Espagne et du saint-siège avaient puissamment contribué à cette subite confiance des capitaux, en rassurant les détenteurs des biens ecclésiastiques déjà aliénés. Tandis que la sécurité renaissait en haut, d’innombrables causes de froissement disparaissaient en bas. M. Mon supprimait une foule de petites taxes, dont la perception était aussi gênante pour le contribuable que difficile pour le trésor, et les remplaçait par une taxe unique, basée sur la propriété immobilière et celle des troupeaux. Cette taxe ne flotte qu’entre 10 et 12 pour 100 des revenus. L’extrême modération du nouveau régime fisc ne devait pas faire regretter aux populations rurales le temps où deux partis, deux gouvernemens à la fois, sous forme d’impôts ordinaires très vexatoires, d’impôts de guerre et de réquisitions militaires, venaient leur enlever et le fruit et l’instrument de leur travail. Le souvenir de ces épreuves la crainte de les recommencer, l’expérience des bienfaits de l’ordre, leur ont subitement donné ce qui jusqu’ici leur manquait : un esprit public. Sur beaucoup de points, les paysans, naguère spectateurs indifférens ou haineux de luttes ou ils croyaient n’avoir rien à perdre, quelque fût le vainqueur, les paysans, cette fois, se sont mis spontanément à la poursuite des bandes factieuses, et ce concours inattendu n’a pas peu facilité les mesures stratégiques qui ont prévenu l’agglomération des insurgés. Je m’arrête. — Ces progrès, ces transformations morales, ces déplacemens d’intérêts et de tendances qui changeaient autour du gouvernement les haines en neutralité, la neutralité en concours, toutes les résistances en forces, tous les anciens dangers en garanties, tout cela n’eût servi à rien sans la vigoureuse attitude du cabinet Narvaez.

Au moment de la secousse de février, le gouvernement espagnol a pu s’appuyer sur une majorité compacte, je le veux bien : Louis-Philippe n’en avait-il pas une aussi ? Cinq ans de calme et de prospérité renaissante avaient intéressé l’Espagne à la politique d’ordre. L’enjeu de la France était-il moins fort ? Privées de leurs anciens auxiliaires, les diverses factions qui ont essayé de mettre à feu l’Espagne n’étaient en somme, même en réunissant leurs efforts, qu’une misérable minorité. N’est-ce pas aussi une misérable minorité qui a révolutionne la France, et l’Autriche, et la Prusse, et Naples, et la Toscane, et les États-Romains Mais là s’arrête l’analogie. Seul le gouvernement espagnol n’a pas faibli ; seule l’Espagne a été sauvée. Le cabinet Narvaez a compris et il a compris à temps, c’est l’essentiel, que l’heure du combat n’était pas l’heure des transactions, que toute concession faite à l’émeute était un encouragement pour l’émeute, un conseil d’hostilité pour les douteux, un ordre d’abstention pour les amis, une révolution enfin. Qui avait tort ? Pendant que de la Méditerranée à la Baltique, du Danube aux Pyrénées, le continent est en feu, le seul coin