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Nous croyons, quant à nous, après une étude attentive de la constitution, que la nature et l’organisation de l’assemblée de révision n’ont pas été suffisamment examinées. La constitution a voulu faire de ces assemblées des assemblées toutes sociales qui ont une œuvre à accomplir, qui n’ont que celle-là, qui ne pourvoient qu’en cas d’urgence aux nécessités législatives, qui ne peuvent durer que trois mois, qui sont pour la chose qu’elles ont à faire, plus puissantes que l’assemblée législative, qui, pour toutes les autres, sont absolument impuissantes ; enfin, et c’est là surtout ce que nous voulons remarquer, il n’y a pad dans l’article 111 de la constitution un seul mot qui décide qu’aussitôt que l’assemblée de révision se sera réunie, l’assemblée législative devra se dissoudre Rien de pareil. En droit, la simultanéité des deux assemblées, l’assemblée de révision et l’assemblée législative, est possible. En fait, et d’après le calcul du temps, est-elle possible ? Oui ; l’assemblée nationale, en commençant sa dernière année, émet le vœu que la constitution soit modifiée en tout ou en partie ; pour que ce vœu devienne une loi, il faut trois délibérations à un mois de distance, cela fait trois mois. Mettons un mois pour faire l’élection ; voilà quatre mois. Trois mois pour faire la révision pour laquelle elle aura été convoquée : cela fait en tout sept mois sur l’année. Ainsi l’assemblée législative, après avoir convoqué l’assemblée de révision, après avoir déterminé quel est le point de la constitution qui doit être modifié, après avoir assisté à cette opération qui ne peut durer que trois mois, l’assemblée législative a encore cinq mois à durer, et ces cinq mois, personne ne peut les lui ôter, puisque l’assemblée ne peut être dissoute. Voilà le calcul des temps.

Nous avons souligné quelques mots de l’art. 111 de la constitution qui expliquent d’une manière fort nette la nature des assemblées de révision. Quelques sacrifices que la révolution et la constitution de 1848 aient faits au grand dieu de notre temps, le hasard, cependant elles n’ont pas fait l’énorme bévue qu’on leur prête, quand on suppose que toute assemblée de révision est une convention souveraine. Non ; quand l’assemblée législative émet le vœu de la révision de la constitution, elle ne décide pas seulement, selon la phrase à la mode, qu’il y a quelque chose à faire ; elle n’appelle pas une convention souveraine, à qui elle donne la constitution à l’entreprise pour voir ce qu’il y a à changer, elle ne met pas à la loterie des opinions humaines, et ne s’approprie pas le fameux alea jacta est, qui est la devise des gens qui font une révolution pour désennuyer le pays. Non ; les choses, grace à Dieu, passent plus sagement, et nous avons à rendre hommage sur ce point à la prudence des auteurs de la constitution de 1848. L’assemblée législative ne peut émettre le vœu de la révision de la constitution que dans la dernière année de la législature, parce que la constitution a voulu que l’assemblée eût le temps de se faire une expérience, et de savoir quels sont particulièrement les articles de la constitution qui ont besoin d’être révisés. Une fois l’expérience faite, c’est l’assemblée législative qui décide quelle sera la partie de la constitution qui sera modifiée, ou bien si elle le sera totalement. Elle donne ses instructions à l’assemblée de révision, et l’assemblée de révision ne peut pas s’occuper d’autres articles de la constitution que de ceux qui lui ont été soumis. Elle peut modifier ces articles comme elle l’entend ; elle est libre et souveraine sur ce point, mais elle n’est libre et souveraine que sur ce point.