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l’ancien. Pour remplir ce déficit, il proposa d’augmenter la taxe sur les fenêtres, ce qui serait, disait-il, un simple échange (commutation) de taxes tout à l’avantage du consommateur. De là le nom de bill d’échange (commutation bill) qui fut donné à son projet. Il présenta à l’appui de cette idée les développemens les plus ingénieux. Le maître d’une maison ayant neuf fenêtres pouvait être considéré, dit-il, comme consommant annuellement dans sa famille sept livres de thé ; or, la différence entre l’ancien droit et le nouveau, sur une livre de thé, étant de 1 livre 5 shellings 10 deniers, et le nouveau droit sur les fenêtres n’étant que de 10 shellings 6 deniers, le maître de cette maison gagnait à l’échange 15 shellings 4 deniers. Malgré ces dégrèvemens de fait, Pitt estimait que l’augmentation de la taxe sur les fenêtres, combinée avec le nouveau droit établi sur le thé, produirait annuellement 200,000 liv. de plus que le droit ancien, sans parler de l’accroissement probable dans l’importation du thé. Ces 200,000 liv., ainsi que les dégrèvemens indiqués, devaient être pris sur les profits illicites que le bill avait pour but de faire cesser.

Malgré ces raisons, le bill d’échange rencontra une assez vive opposition dans la chambre des communes. Fox soutint qu’il était injuste de contraindre tout le monde à payer pour boire du thé ; soit qu’on en bût, soit qu’on n’en bût pas, tout propriétaire étant tenu de payer la taxe des fenêtres. On lui répondit qu’en fait il n’y avait guère de familles dans le royaume, soit parmi les riches, soit parmi les pauvres, qui ne fit usage du thé, et que tous ceux qui ne consommaient pas de thé introduit par contrebande gagneraient à la substitution. Fox, ne trouvant pas la question suffisamment éclaircie, demanda le renvoi à l’année suivante, mais Pitt refusa d’y consentir. Le bill passa dans la chambre des communes après une seule division, la proposition de le renvoyer au comité ayant été rejetée par 143 voix contre 40 ; il passa à la chambre des lords sans division et après un court débat.

La critique faite contre l’élévation des droits sur le thé était applicable à ceux sur les spiritueux ; tant qu’ils seraient maintenus, il était impossible d’espérer une répression efficace de la contrebande sur cet article. Le troisième bill proposé par Pitt renforçait les droits sur les spiritueux anglais et diminuait considérablement ceux sur les spiritueux étrangers, disposition étrange qui ne s’explique que par la nécessité de combattre, avant tout, la contrebande et d’accroître, par la quantité des spiritueux légalement importés, la quantité des droits perçus. Il fallait beaucoup compter sur l’esprit public pour proposer une pareille mesure ; ce qui est plus remarquable encore que l’idée du bill, c’est qu’il passa dans les deux chambres presque sans discussion ; n’ayant été considéré que comme une expérience, il ne fut mis en vigueur que pour deux ans.