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une école, devraient être appelés l’école du hasard, sorte de chercheurs d’aventures qui essaient sur la toile des harmonies de tons, comme on essaie des accords sur un clavier, sans se préoccuper le moins du monde de la forme qui les encadrera. C’est une tête, ce pourrait être un arbre, et, de fait, si l’on s’en approche, on n’y voit aucune différence. Ce qui, chez M. Diaz, fait oublier l’absence de dessin et de bien d’autres qualités essentielles, cette délicieuse fraîcheur de touche, ce je ne sais quel moelleux dont il serait peut-être lui-même fort embarrassé de dire le secret, ses admirateurs n’ont pu se l’approprier, et ils sont restés avec ses défauts seulement. Sans doute, il y a dans la façon de rendre l’aspect des objets des sources de beauté inexploitées par nos devanciers, en général plutôt préoccupés de la forme, à l’art moderne pourra trouver encore des élémens de progrès ; mais c’est à la condition de ne pas outrer un système qui réduirait la peinture au niveau du métier d’un fabricant de châles. Ne voyons-nous pas chaque jour des tissus où l’instinct d’un sauvage des bords du Gange ou de l’Amazone a su assortir les plus heureuses combinaisons de couleurs, et qui font le désespoir de notre Europe civilisée ? Vivent les barbares pour avoir du goût ! s’écrient à ce propos d’ingénieux faiseurs de paradoxes, et volontiers ils iraient chercher leur idéal au fond d’une pagode. Remarquons toutefois que si les barbares savent colorier, ils ne dessinent guère. Cet exemple conclurait donc plutôt contre la prééminence d’une qualité qui ne relève que du sentiment.

Dans les tableaux de genre, les fantaisies turques et moresques tiennent toujours la première place. Depuis que Marilhat, MM. Decamps et Delacroix ont tiré un si heureux parti des sites et des types de l’Orient, la manie de l’orientalisme a tout envahi : avec un narghilé, quelques pipes en sautoir et son pan d’étoffe algérienne plus ou moins authentique, chacun s’est mis dans son coin à faire de l’Orient et de la couleur. Il est d’ailleurs si commode de chiffonner en deux coups de brosse un de ces costumes fantastiques dont l’ampleur absorbe toute espèce de forme appréciable. Aussi les sectateurs du fouillis et de la couleur absolue s’en donnent-ils à cœur joie, et le charme poétique dont plusieurs peintres distingués avaient su revêtir cette sorte de sujets ne suffira bientôt plus à les protéger contre la satiété générale.

C’est d’abord M. Delacroix, un des maîtres du genre, qui nous donne une seconde édition de ses Femmes d’Alger, dans des proportions moindre et avec divers changemens de détail qui ne modifient pas sensiblement l’ordonnance primitive. La composition a gagné à être resserrée, les personnages se groupent mieux. Le ton général est toujours très fin ; mais je ne comprends pas pourquoi M. Delacroix a amorti éclat et la transparence qu’on admire si justement dans son premier