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tableau. On ne retrouve plus en particulier la demi-teinte si douce qui baignait la tête de la femme placée au milieu. Ce tableau est curieux à considérer comme un visage ami dont on étudie les changemens après une longue absence. En définitive, on retourne ensuite plus volontiers au Luxembourg. L’Arabe et son cheval est une petite composition d’une bien charmante couleur. Le dessin de la bête, par exemple n’est guère acceptable, et l’on se rend difficilement compte des bizarres cabrioles auxquelles elle se livre et qui lui donnent l’air de danser un menuet. Il n’est pas probable que M. Delacroix attache une grande importance à sa Desdémone, petite toile où certainement on retrouve dans quelques détails le pinceau du naître. Un tableau ne se compose pas de deux ou trois touches heureuses, d’une agrafe de diamans qui scintille, d’un morceau d’étoffe verte brillant sous la lumière. Faudra-t-il qu’en faveur de certaines parties d’ajustement on nous condamne à admirer cette femme avinée qui semble suer l’ivresse sur le lit où M. Delacroix l’a couchée dans une si singulière posture ; et jusqu’à cet affreux coquin qui entre à pas de loup armé d’une lanterne sourde ? Je vous arrête ici, dira l’auteur. Fallait-il faire du More un Adonis ? Non, vraiment ; mais il y a laideur et laideur, et celle-ci est basse et vulgaire. Et quand bien même on passerait condamnation sur l’Othello, que dire de la Desdémone ? À son endroit l’autorité de Shakspeare fait défaut ; et, franchement la meilleure volonté du monde ne saurait reconnaître là la poétique fille de Brabantio.

Après M. Delacroix, M. Adolphe Leleux et M. Hédouin sont deux notabilités de la secte des Levantins. La Danse, des Djinns, de M. Adolphe Leleux, n’a qu’une assez mince valeur comme composition, surtout quand on songe à la Noce juive de M. Delacroix. Ce sont des Maures accroupis regardant tournoyer une almée ; nous avons vu cela partout. Au point de vue de la couleur, ce tableau mérite pourtant l’attention la lumière, projetée du plafond dans la salle, forme à droite et à gauche deux cascades d’un effet bizarre ; il en résulte, à une certaine distance, un défaut d’unité, et la toile semble divisée en trois compartimens. À part le papillotage qui est la suite inévitable de cette disposition, le peintre a montré une grande habileté. Le mur du fond est dans une demi-teinte exquise. — M. Hédouin, qui avait commencé par peindre à la truelle, comme M. Decamps, a adopté depuis une exécution douce et léchée. Ses Femmes mauresques sont vêtues d’étoffes chatoyantes fort agréables à l’œil. Je prise moins l’aspect savonneux de cette grande muraille blanche et rose semée de taches grises. Ces taches sont de folles ombres projetées par une treille ; mais on ne le voit pas tout d’abord, et il semble que ce soit une nuance inhérente à la pierre.

Tout cela, en somme, n’a pas grande originalité ; M. Leleux est un de ceux qui ont abdiqué leur inspiration personnelle pour suivre le