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M. Landelle a eu le bon goût de supprimer les chaînes, la hache et le bonnet phrygien ; au lieu de cet air farouche de la femme forte de M. Barbier, sa République n’a qu’un doux et paisible sourir, propre à gagner les coeurs. Une couronne d’épis entoure sa tête, et elle tient à la nain une branche d’olivier, symbole de paix et d’abondance. Pourquoi tout le monde n’a-t-il pas compris la république comme M. Landelle ?

M. Verdier affecte une manière brutale ; il semble la plupart du temps qu’il peigne des écorchés. Sans faire des figures qui ressemblent à des murailles mal crépies, Titien, Rubens et Van-Dyck ont pourtant atteint une assez grande puissance de coloris. Les portraits de M. Verdier sont aussi repoussans au premier aspect que ceux de M. Landelle sont agréables. Je reconnais néanmoins que, pour les uns comme pour les autres, il ne faut pas s’arrêter à la première impression.

Dans le pastel, MIle Nina Bianchi et M. Giraud tiennent toujours le haut bout. Outre deux beaux portraits, Mlle Bianchi a exposé la copie des Filles de Jephté de M. Lehmann. Les entreprises de cette espèce sont, en général, ingrates et difficiles. Pour rendre les effets de la peinture à l’huile, il faut jusqu’à un certain point dénaturer les conditions et les procédés du pastel, et l’on n’arrive le plus souvent qu’à un double insuccès. Mlle Bianchi s’est pourtant tirée de cette difficulté. M. Giraud affecte un peu trop les prétentions que je viens d’indiquer. Ses pastels sont touchés largement, comme avec une brosse, et il empâte à sa façon. Cela ne lui réussit pas mal. Je crois pourtant M. Tyr plus dans le vrai et dans les saines pratiques. M. Tyr fond ses teintes et modèle avec une grande délicatesse. Il possède à la fois une couleur moelleuse et un dessin très arrêté, et ne vise nullement au trompe-l’œil. On remarque surtout de M. Tyr un portrait d’enfant, vêtu d’une blouse bleue, d’une solidité et d’une douceur incroyables. M. Tyr a le don de la grace, de cette grace sérieuse et un peu sévère qu’on trouve dans les vierges des vieilles fresques, et qui n’a rien de commun avec une certaine élégance maniérée fort à la mode aujourd’hui, et dont M. Vidal s’est rendu l’interprète spécial. Que M. Vidal fasse des anges ou de belles filles qui ne sont rien moins que cela, il ne sort, pas d’un type invariable : ce sont toujours les mêmes yeux battus et cernés, les mêmes paupières demi-closes, les mêmes chevelures ondées, la même langueur d’attitudes ; le vêtement seul est changé. Ce genre de beauté, que chacun est libre d’apprécier comme il lui plaît, M. Vidal le rend, du reste, très finement, et ses dessins sont crayonnés avec la pureté et la douceur des vignettes anglaises les plus délicates. M. Dugasseau et M. Yvon, au contraire, visent au Michel-Ange. La Jérusalem du M. Dugrasseau et les Neuf Muses de M. Yvon ont quelque parenté avec les sibylles M. Yvon, toujours avec la même habileté d’exécution qui fit tant admirer à son début les dessins qu’il rapportait de Russie, a