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d’Homère et de Virgile ; ils étaient vieux de visage, tout en étant jeunes par l’âge, et la phrase antique, dont ils s’enveloppaient avec une sorte de pédanterie (car, avant tout, il fallait avoir un bon style), cachait et effaçait la nouveauté de leur inspiration.

Ce n’était pas, au reste, la bonne volonté qui manquait aux poètes chrétiens du IVe et du Ve siècle pour être nouveaux. Dans leurs poèmes, ils invoquaient le Saint-Esprit, au lieu d’invoquer Apollon, ils rejetaient bien loin toutes les vieilles superstitions mythologiques ; ils exprimaient hautement leur dédain et leur colère contre ces divinités tant de fois invoquées par les poètes.

Ergo age, sanctificus adsit mihi carminis autor
Spiritus, et sacro mentem riget amne canentis
Dulcis Jordanes ut Christo digna ioquamur,


s’écrie Juvencus, prêtre espagnol, qui fit un poème intitulé : Histoire évangélique. Certes, les poètes peuvent aller puiser l’enthousiasme aux sources du Jourdain, aussi bien qu’aux Sources de l’Hippocrène : le Dante, Milton et Klopstock l’ont montré ; mais Juvencus n’a trouvé nulle part l’enthousiasme poétique. Son poème n’est que l’Evangile en mauvais vers latins ; point d’invention poétique, point d’élégance ; c’est un récit sec et décoloré. Il y a plus : il semble que Juvencus ait retranché avec un soin scrupuleux tout ce qui dans l’Evangile prête à la poésie. Il n’y a, dans son poème, rien de la grace des paraboles, rien de la beauté de ces comparaisons qui abondent dans le livre saint, rien de ces beaux lis des champs qui, dans le sermon de la montagne, ne filent ni ne tissent leurs vêtemens, et qui pourtant sont vêtus avec plus de magnificence que Salomon dans toute sa gloire. On dirait que Juvencus a voulu faire de son poème une histoire mnémonique que les enfans pussent apprendre par cœur, pour se souvenir plus aisément de l’Evangile. Ce sont des vers techniques plutôt qu’un poème.

Sedulius, autre poète de cette époque, et qui a fait un poème intitulé Opus paschale, est un versificateur plus élégant que Juvencus ; mais ce n’est pas non plus un poète. Il a dédié son poème à l’empereur Théodose, et il lui dit modestement, dans son invocation :

Dignare Maronem
Mutatum in melius divino agnoscere sensu.


Ainsi, c’est un Virgile corrigé quant aux pensées, et conservé quant au style, que Sedulius a la prétention de dédier à Théodose. Il ne manque pas non plus de rejeter bien loin les dieux invoques par les poètes païens :

Cum sua Gentiles studeant fgmenta poetae
Grandisonis pompare modis ;…